Si les versaillais de Phoenix ont été longtemps étiqueté French Touch, la vérité est ailleurs. »It’s Never Been Like That » était rock, »Wolfgang Amadeus Phoenix » sonnait pop et maintenant »Bankrupt! » crache le son des eighties. Les années 2000 s’inspirant de la décennie 80 ont donné de belles choses et nous ne nous fatiguerons pas à les citer. Dans un hommage appuyé au Word Art, Phoenix nous a claqué dans la gueule avec sa pochette immonde ses envies de fluo, de pixels qui tâchent et de mélodies rétros.
En revenant sur les coulisses de l’enregistrement de l’album précédent, le groupe affirme son goût pour les oldies par l’achat d’instruments au son crade et imparfaits. Pas une surprise tant ce penchant est poussé à l’extrême ici, ayant même acheté la table d’enregistrement du Thriller de Michael Jackson. Pour un résultat qui engendre quelques oripeaux honteux comme ce chant à la limite de la parodie sur le premier couplet de »Trying to be Cool », ses sonorités asiatiques cheap poussées à l’extrême ou la mid-tempo mi-cool/mi-gênante »Chloroform ». Il faut avouer que si les mélodies sont accrocheuses et qu’on se prend au jeu, on se demande parfois ce qu’on fout là. La voix est perdue au milieu des effets et on rate une partie des sorties de routes intéressantes du timbre fragile et naïf de Thomas Mars. Ou peut-être c’est le manque de la batterie excellente sur »Wolfgang Amadeus Phoenix » qui se fait ressentir ?
La corbeille de fruits offerte cette année par Phoenix est presque aussi plaisante que déroutante que… décevante. Il nous arrive de nous laisser porter mais notre conscience revient taper à la porte de nos tympans et nous interpelle. Écouter »Bourgeois » dans le métro, c’est possible. Mais dans votre salon, à fond, quitte à le partager avec le mur mitoyen de vos voisins… Désolé mais j’y crois moins. Comme dirait le couplet d’Entertainment, »I’d rather be alone ». Ce qui n’enlève rien à la réussite de morceaux comme »Don’t » ou »Drakkar Noir », de loin la piste qui réussit à garder le bon équilibre entre la prise de risque, la mélodie et le savoir-faire de Phoenix à pondre d’excellentes pop songs. Admirateur et défenseur de la réussite critique et public de »Wolfgang Amadeus Phoenix », je n’irais pas mettre ce petit dernier au placard pour autant. Il ne dénote pas dans la discographie et évoque autant le précédent que »United ».
Par son sens de la transition couplet / refrain démoniaque et sa facilité à se fondre dans nos oreilles, Bankrupt! fait oublier ses expérimentations pas toujours heureuses comme cette piste instrumentale moins inspirée que »North » et »Love Like A Sunset » dans le passé. Ou encore ce spleen seventies très Pink Floyd qui ferme »Chloroform ». On est contents de ne pas avoir un »Wolfgang Amadeus Phoenix » bis et sa série de morceaux qu’on voyait déjà arriver tels que 1902 et Liztomania. Pourtant, le sourire qu’on pouvait avoir à la découverte des morceaux du groupe il y a 4 ans laisse place à la surprise et aussi au sourcil levé. On croit les Phoenix quand il parle d’un album personnel et authentique mais on les contredira plutôt deux fois qu’une lorsqu’ils déclarent que c’est le meilleur qu’ils aient produits. Plus d’un mois après le leak, l’album s’écoute toujours avec un réel plaisir, en prenant soin d’en zapper 2-3 au passage…
Bien plus que le procès d’intention sur l’honnêteté ou la qualité intrinsèque des morceaux, on reprochera juste que le groupe a eu tendance à privilégier l’aspect sirupeux de la pop à l’efficacité et l’agitation de ces anciennes compos plus riches en guitares. Avec la promo et la découverte des versions lives, notamment à Coachella, les titres gagnent en épaisseur avec le retour du batteur.