Comme bon nombre de groupes néo-garage, White Denim a vite entamé une métamorphose. Depuis 2010 et l’incorporation du deuxième guitariste Austin Jenkins, les tendances punk des texans se sont estompées au profit d’un son plus sophistiqué avec l’addition d’éléments country/blues ou même pop et l’envie de graviter vers un songwriting mélodique, bien que toujours émaillé de jams tarabiscotés. Parfois au détriment des chansons – pas le point fort du groupe et nous reviendrons là-dessus – mais il faut reconnaître que tant l’album ‘D‘ de 2011 que des prestations scéniques impressionnantes ont su donner à White Denim une aura de bête de scène en pleine éclosion artistique. Même le très altruiste Jeff Tweedy de Wilco, qui produit deux titres ici, est un fan déclaré.
On pouvait donc attendre de ‘Corsicana Lemonade‘ un bond en avant définitif, un album-confirmation susceptible de faire mouiller la critique tout en révélant de nouvelles ambitions et, pourquoi pas, un potentiel mainstream comparable au ‘Brothers‘ des Black Keys. Ces derniers sont une référence inévitable puisque les deux groupes ont une évolution similaire, en plus d’influences et de sonorités communes. James Petralli a un style vocal quasiment identique à celui de Dan Auerbach, ce qui ne manque jamais de troubler sur disque. Mais l’explosion médiatique ne sera pas pour cette fois, et ‘Corsicana Lemonade‘ ne nous apprendra rien ou presque sur White Denim que nous ne savions déjà. Insistons cependant sur un point: cela n’en fait pas un album raté ou une déception, et au jeu des écoutes répétées il y a bien du plaisir à prendre dans ces chansons et une conclusion positive à tirer de l’ensemble.
En premier lieu, le groupe confirme qu’il cherche à affiner et définir sa musique plutôt que de prendre des raccourcis douteux vers une efficacité tubesque. On soupçonne White Denim d’être plus qu’un peu réticent à l’idée de simplifier ses compos, chacun des quatre membres étant (trop ?) virtuose ou ambitieux. Mais même si cela continue à desservir ponctuellement certains morceaux, ‘Corsicana Lemonade‘ parvient à s’imposer comme un album à la fois complexe et accessible, une démonstration technique permanente qui tient quand même la route grâce à sa cohésion et ses nobles intentions. Pas de ‘Tighten Up‘ ou de ‘Lonely Boy‘ à l’horizon, donc, mais ‘At Night In Dreams‘, ‘Come Back‘, ‘Let It Feel Good (My Eagles)‘ ou le single ‘Pretty Green‘ ne manquent pas d’impact, d’énergie positive et de charme sudiste à la Lynyrd Skynyrd. Les mecs assurent et même la chanson-titre réminiscente des Minutemen s’en sort avec les honneurs en dépit de maniérismes jazz ardus, preuve de savoir-faire à l’heure de rattraper une écriture un peu déficiente avec de jouissives parties de guitare et l’assise d’une fabuleuse section rythmique. Le constat est clair: White Denim est sur la bonne voie. Jeff Tweedy prouve en outre que ce groupe est capable d’évoluer vers une approche plus chaleureuse et sensible avec les excellentes ‘Distant Relative Salute‘ et ‘A Place To Start‘, ballade de fin wilcoesque au titre que l’on espère prémonitoire.