Tame Impala – Currents

Enième mea culpa : je suis passé à côté de Lonerism à sa sortie. Décontenancé par la structure des morceaux et hâtif dans mon jugement après une quelques écoutes, j’avais laissé tomber le couperet trop promptement par l’intermédiaire de cette chronique. Vous billez pas, je suis du même avis que la plèbe depuis : Lonerism était bien le disque de cette cuvée 2012. Par miracle, Tame Impala a tout de même survécu à cette gageure et a réussi à muter pour prendre le statut d’un des groupes les plus importants WORLDWIDE MA GUEULE. Kevin Parker, maitre à penser incontesté de la bande, a élargi son giron. Crédité pour le sympathique album de Melody’s Echo Chamber, il a également fricoté avec l’électro et la pop. Des feats chez Mark Ronson, un excellent titre chez les frenchies de Discodeine et voilà que le loup solitaire du psyché se transforme en sirène de la pop.

Dès l’annonce de Currents, un titre est dévoilé : ‘Let It Happen‘. 8 minutes enchanteresses où l’Australien à la voix fluette nous intime à laisser couler via des boucles envoutantes. Une ode au lâcher prise bien éloignée des percussions pachydermiques d »Elephants‘ ayant conquis unanimement les foules rapidement bloquées sur la fonction repeat.

L’interlude ‘Nangs‘ prend le relais du single et ‘The Moment‘ continue également de nous plonger dans cette ambiance funky, détendue et incroyablement groovy. Complètement différent des deux autres albums et très agréable, les débuts de Currents lui confèrent des allures de disque de l’été. Il évoque son cousin anglais, le très réussi The English Riviera de Metronomy qui avait réussi à mettre tout le monde d’accord avec sa pop dansante et son emballage ensoleillé ; c’est plaisant, ça donne le sourire, on est contents.

Sauf que l’ensemble dérive. C’est un poil too much et le quart d’heure américain imposé par ‘I’m Changing‘ et ‘Eventually‘ provoque un certain malaise, voire un malaise certain. Tout en évoquant clairement le son des Beach Boys ou de Phoenix, notamment sur leur dernier album, qui n’était pas une immense réussite. Parfois, on débarque dans une parodie de la B.O de Drive : coucou ‘Past Life‘ ! Tant qu’on est dans la blague, ‘Cause I’m A Man‘ est prête à remplacer ‘A toutes les femmes que j’ai aimé avant‘ de Didier Barbelivien en tant que chanson idéale pour un coming-out.

Avec pour thème central le changement, Currents ne pouvait pas en être meilleur ambassadeur. Au jeu des comparaisons, Innerspeaker parait bien loin. Le son caractéristique du groupe se retrouve encore dans les synthés, une batterie syncopée mais l’ambiance est radicalement différente en partie à cause d’un ralentissement croissant du rythme des mélodies. Autre changement majeur : la voix de Parker est moins chargée d’effets. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : Ce nouveau mélange disco fonctionne, notamment lors de ‘The Less I Know The Better‘, ‘New Person, Old Mistakes‘ ou ‘Reality In Motion‘.

On prend les paris : l’album sera salué par les amoureux de la pop au sens large. Ca sera l’année du consensus à n’en pas douter. Là où les amateurs de guitares fuzz vont couiner. Pour les raisons invoquées au-dessus, on ne peut totalement embrasser ce virage sans parler de ses (grosses) sorties de routes. Des arrangements moins sirupeux, un poil plus de percu, ça s’est joué à peu de choses sur l’ensemble mais il est évident qu’il faudra faire le tri.

Ce troisième disque est une remarquable prise de risque. Est-ce que ce Currents est vraiment un disque de Tame Impala ou aurait-il du sortir sous un autre nom ? Clairement, on s’en fout. Si Tame Impala est Kevin Parker, il n’y a pas de raison qu’il multiplie les projets parallèles. Il continue d’être l’un des saltimbanques les plus intéressants à suivre et tend à impliquer nettement sa vie dans ses paroles, comme sa rupture avec Melody Prochet a l’air d’avoir marqué l’évolution de ce disque. De là à dire qu’il s’agit de son meilleur, nous n’irons pas jusque là…

On ne sera pourtant pas déçu si l’ami Kevin se rapproche de ses premières amours lors de sa prochaine sortie. En attendant, les malheureux, ceux qui seraient en panne de psychédélisme australien burné peuvent se ruer sur Pond ou vers les King Gizzard & The Lizard Wizard. Commencez donc par I’m In Your Mind Fuzz.