Onirique. C’est le mot. On s’en veut de ne pas l’avoir utilisé pour la chronique du dernier album de Kurt Vile – [url=https://www.visual-music.org/chronique-1597.htm]l’onirique mais complaisant[url] ‘Wakin On A Pretty Daze‘. Le tout aussi onirique ‘Smoke Ring For My Halo‘ de 2011 était vachement mieux et continue d’être non seulement onirique mais vraiment bon, à classer les yeux fermés parmi les meilleures sorties folk-rock de ces dernières années, oniriques ou pas. D’où déception et attente teintée d’une sorte d’incertitude. Oui Kurt Vile est doué, un peu maniéré dans ses airs de ne pas y toucher, flegmatique à mort, mais beaucoup plus intéressant que son ancien groupe The War On Drugs, dont [url=https://www.visual-music.org/chronique-1717.htm]l’onirisme en bleu de travail[url] a bizarrement fait l’unanimité dans les gazettes musicales l’an dernier. Non Kurt Vile n’a pas encore vraiment confirmé, même s’il fait lui aussi figure de starlette sur une scène alternative nord-américaine qui cherche encore et toujours, oniriquement, le nouveau Neil Young. Et non ‘B’lieve I’m Goin Down‘ n’est pas tout à fait le sans-faute que l’on espérait, oniristes que nous sommes, mais c’est tout de même un bon disque, assez bon pour remettre le plus slacker des cowboys en selle.
Pas très onirique, enfin pas plus que ça, disons ironique plus qu’onirique, le single et titre d’ouverture ‘Pretty Pimpin‘ n’en reste pas moins séduisant, rigolo et diablement accrocheur, shooté au Lynyrd Skynyrd de ‘Sweet Home Alabama‘, tout comme ‘Wakin On a Pretty Day‘, ‘KV Crimes‘ et d’autres rappelaient certaines progressions d’accords de Lou Reed, ou ‘In My Time‘ celles de Tom Petty – jouées qui plus est sur le même tempo et avec le même feeling. Début et fin des festivités FM cependant, surtout en France où l’americana est de toute façon considérée comme une calamité. Kurt Vile a en outre d’autres ambitions que d’empiler des ‘Pretty Pimpin‘ à n’en plus finir, et c’est tout à son honneur. Le reste est totalement onirique, totalement bien produit, mais totalement porté sur des grooves calmes, répétitifs, étirés sur de longues minutes. Des minutes qui pourront paraître interminables si l’on est impatient de fredonner un refrain en tapant du pied, en manque d’évidences mélodiques ou avide de riffs remuants, principalement vers la fin du disque (les très fades ‘Stand Inside‘ et ‘Kidding Around‘ ne font que retarder la belle conclusion ‘Wild Imagination‘). Au final presque aussi long que son prédécesseur, ‘B’lieve I’m Goin Down‘ est en revanche bien plus immersif, harmonieux et même irréprochable pendant une bonne demi-heure qui culmine avec l’onirisme cinq étoiles de ‘Wheelhouse‘, suivi de près et sans déplaisir par la fragile, incertaine ‘All In A Daze Work‘ et le jam ambiant de ‘Lost My Head There‘. Un peu avant, ‘That’s Life, tho‘ est le genre de méditation acoustique dans laquelle on pourrait passer ses insomnies et qui renvoie directement à ‘Smoke Ring For My Halo‘, typique de l’auteur et de son sens de l’espace, de la confession pas si importante que ça, ses ballades brumeuses et désertiques servant de fond à des considérations blasées toujours aussi prenantes, parfois drôles, attachantes même (‘hate to point out the painfully obvious‘ marmonne-t-il, contemplatif). Un compagnon idéal pour méditer au volant, observer un paysage en pensant à des trucs, ne rien foutre, scruter le plafond, l’air perdu, songeur. Rêveur. Onirique quoi. Il nous manquait un peu le bougre.