Dionysos est un de ces groupes de rock tranquilles, qui portent l’identité du rock français tout connement, avec beaucoup de modestie et de savoir-faire. Avec l’explosion radiophonique de leur Song For Jedi, le groupe garde bien pépère sa petite popularité de combo différent, sympa, rageur parfois, quasi-folklorique à côté des monstres américanisés Pleymo et de leur clique néométal à la française. C’est un peu l’image que j’avais moi-même du groupe avant que ne me pète littéralement à la gueule ce témoignage live, pris au fil de la tournée qui suivit leur dernier album, ‘Western Sous La Neige‘, ce véritable morceau de pure transe scénique, qui a énormément changé ma façon de voir Dionysos. Alors quoi, qu’est-ce qu’on en a à foutre de moi ? Qu’est-ce que je vais bien vous lâcher ? Que Dionysos est un des meilleurs groupes de l’hexagone du moment ? Que si on cherche à aller plus loin que leurs comptines pour mômes on peut voir un groupe qui a un son énorme ? Qu’on peut carrément dire que ce live est génial tant l’énergie, l’émotion, le délire qui se dégage de la galette vous bouffe directement ?
Le CD, tout comme le DVD, est un voyage unique à travers le monde quasi-dada du groupe, à travers des cordes (violon et grattes) déjantées, puissantes, une pêche que peu de combos français peut prétendre avoir. Le monde de Dionysos est à part entière, à la fois rock, classique, funk, variété, tout ce que vous voulez du moment que ça fait un très joyeux bordel au final qui libère une force musicale surprenante. Mathias vocalise, bouge, chante et crie tant qu’il peut, pédale de micro écrasée sous le pied, les gratteux donnent un rythme et des riffs uniques en leur genre, agressifs, doux, lents, crissant comme un bon sandwich tombé sur la plage dans lequel on croquerait à pleines dents, et on s’en fout tant que c’est bon et que ça bouge sur la langue. Babeth, au violon comme au banjo, aux claviers comme aux choeurs, rajoute cette touche féminine, suave, presque indistincte par moment, frappe les tripes d’un grand coup de poésie surréaliste, pendant que la batterie folle fait claquer les fûts en rythme parfait. Côté visuel comme côté audio, on prend son pied à 100% devant cette débauche d’énergie enfantine (un ‘Anorak‘ magnifique), de poésie naïve (‘Ciel En Sauce‘, ‘Coiffeur d’Oiseaux‘), de morceaux lourds, urgents (‘I Love You‘, l’immense ‘Mc Enroe’s Poetry‘, indémodable, le très sympa ‘Frog‘, le particulièrement jumpant ‘Can I‘), et parfois de chaleur aux frontières de Noir Désir (un ‘Wet‘ qui n’est pas sans rappeler la performance du groupe de Cantat à Evry, avec de superbes violons), de gueulante engagée (‘Thank You Satan‘, reprise de l’éternel anarchiste Léo Ferré, une plage excellente), et de délires impromptus (‘Western Sous La Neige‘ littéralement unplugged, ‘Wedding Idea‘ surprenant comme conclusion). Les boucles de basse/batterie genre trip groove (version étonnante et savoureuse du ‘Longboard Blues‘, énervé au possible en version studio) côtoient un country déjanté (‘New Eye Blues‘) dans une totale harmonie qui consacre l’identité Dionysos, sans oublier le fameux ‘Song For Jedi‘, performance intéressante avec un final complètement décadent, ou la reprise de Screaming Jay Hawkins ‘I Put A Spell On You‘ aux relents d’orchestre de cirque, contrebasse et claviers vieillots en avant pour une prestation pêchue.
Ce DVD est un véritable délire organisé d’une heure trente, à savourer d’une traite si vous pouvez. Stage Diving à gogo, impros, idioties de Mathias, bonds dans tous les sens, furie furieuse qui habite les corps de ce groupe… On a même droit à deux versions du ‘Coccinelle‘, un des premiers morceaux qui popularisèrent le groupe dès leur avant dernier opus, ‘Haïku‘, l’une pépère aux piano, l’autre à la limite du hard par la folie dégagée, emportant tout sur son passage, même le chanteur qui finit pour une énième fois porté par la foule, avant de revenir sur scène en pleine syncope, laissant les zicos se démener comme des fous sur cet exutoire quasi-instrumental et énorme. On retrouve pas mal de morceaux du CD dans ce DVD filmé à Strasbourg, qui donne un aperçu parfait d’un concert de Dionysos, à vivre et à revivre. D’autant plus que le DVD est mille fois plus fourni côté setlist que le CD, allez savoir pourquoi, avec en bonus des extraits live d’autres performances (Belfort 2003, Mathias finissant sur un échafaudage de matériel d’éclairage à l’autre bout de la foule, pour échouer dans un état franchement dingue sur scène…), l’ensemble des clips du groupe (à ne pas rater : ‘Song For Jedi‘ bien sûr, très marrant dans le genre), deux ou trois conneries filmées entre potes en tournée, du travail studio.
Dionysos constitue définitivement un des meilleurs groupes de rock français, dans toutes ses dimensions, toutes ses nuances et ses possibilités, du moment, et ce live, sortant en parallèle avec un autre live acoustique aux mêmes relents d’ingéniosité, d’émotion, de pure poésie surréaliste, consacre vraiment ce label de grand combo actuel !