On connaît le côté très très extrême de la scène death américaine : toujours plus vite, toujours plus fort, toujours plus méchant. Non pas parce qu’ils possèdent sur ce continent plus de techniciens émérites capables de franchir allègrement la barre des 300bpm, loin de là, mais parce que la décadence d’un genre, dont le mérite dans notre belle Europe réside plus dans sa subtilité et sa musicalité que dans sa violence, est poussée là-bas aussi loin qu’il est humainement possible de l’imaginer. Il suffit de voir le succès que remporte là-bas un groupe comme Brodequin, stade ultime de la violence musicale, considéré encore comme ‘underground’ chez nous. Les américains bourrins dans l’âme ? Origin est en tout cas une formation de cette foule de groupes qui feraient tous un parfait exemple de ce phénomène : encore relativement jeunes bien qu’ayant tourné déjà avec les plus grands, allant de Morbid Angel à Nile en passant par Dying Fetus, ces cinq jeunes de la côté Est nous livrent avec ce ‘Echoes Of Decimation‘ déjà leur troisième album.
Malheureusement, en dehors d’un artwork d’une laideur sans nom, cette galette ne réserve pas beaucoup d’autres surprises au métalleux lambda assoiffé de nouveautés. Origin nous resert en effet la même recette que sur son précédent opus qui avait fait tant parler de lui, ‘Informis, Infinitas, Inhumanitas‘. Et il faut bien avouer que la première fois ça avait bien pris : du blast constant, innintérrompu et d’une rapidité rarement égalée, se rapprochant dans l’esprit beaucoup d’un Hate Eternal. Forcément, ça ne plait pas à tout le monde, ce n’est pas ce qu’on trouve de plus subtil sur le marché, mais ça a au moins le mérite de défouler un peu. D’ailleurs, maintenant que le temps a passé, on est en droit de se demander si ce n’est pas l’amélioration technique des musiciens entre l’éponyme et le second album qui avait surpris tout le monde et fait le succès de ce dernier plus qu’autre chose.
Car il faut bien dire que ce ‘Echoes Of Decimation‘ est, encore plus que son prédécésseur, une vraie vitrine de performances instrumentales diverses et variées, un étalage d’exercices rythmiques en tous genres. Alors bien sur, comme curriculum vitae quand on veut postuler à un poste vacant dans un groupe de death technique, c’est très bien, mais pour satisfaire l’auditeur, ça suffit pas forcément. Néanmoins, on est obligé de s’incliner et de tirer son chapeau à l’écoute de certains passages particulièrement impressionnants tels que la guitare rythmique hachée d’une précision chirurgicale sur ‘Endless Cure‘, véritable torture pour tout guitariste normalement constitué, ou encore les dernières trentes secondes d »Amoeba‘, pendant lesquelles le tempo atteint des sommets que mon oreille pourtant bien aguérie n’avait encore jamais eu l’occasion d’entendre. On imagine d’ailleurs bien l’hypertrophie des muscles des molets dont doit souffrir James King, batteur, pour nous offrir un mitraillage aussi constant et continu, son jeu tout en renversements entre syncopes et blasts death rapellant beaucoup celui d’un certain Kevin Talley pendant son passage chez Misery Index (les mid-tempos en moins…).
Rien de bien nouveau donc sur ce ‘Echoes Of Decimation‘. La performance technique surprend, tout comme les trois voix différentes qui se complètent relativement bien tout en restant dans ce qui se fait de plus classique dans le domaine, puis le tout lasse et se laisse vite oublier à cause d’un manque flagrant d’innovation. La diction et le phrasé de James Lee, chanteur principal, aussi saccadé et rapide que la musique méritent tout de même un bon point (‘Staring From The Abyss‘), tout comme certains leads qui osent poser une mélodie par-ci par-là (‘Cloning The Stillborn‘), malheuresement vite étouffés par une un mixage qui met trop en avant cette foutue grosse caisse qui finit, au bout de quelques écoutes, par vous ressortir par les trous de nez.
Les neuf titres de cet album paraissent donc au bout du compte bien indigestes, même si ils se laissent écouter tant bien que mal pour peu qu’on recherche une musique dont les seules qualités sont purement superficielles et techniques. Quoi qu’il en soit, et si on était méchant, on pourrait attribuer ce manque de profondeur au départ de Doug Williams, le bassiste qui avait donné leur âme aux premieres oeuvres de Cephalic Carnage et qui avait contribué à apporter son petit grain de folie aux premiers opus d’Origin. Mais affirmer une telle chose reviendrait à dire que les membres du nouveau line-up manquent cruellement de créativité, et ça, ça serait pas gentil…