La première démo éponyme du jeune groupe de la Marne nommé Shinra avait été pour moi, en début d’année, une très bonne surprise. La recette était à l’époque plutôt simple : enchaîner blasts death et mid-tempos ultra-lourds pour provoquer chez l’auditeur cette irresistible envie de remuer la tête à s’en dévisser les cervicales. Simple oui, mais terriblement efficace, puisque grâce à une performance vocale remarquable, des structures bien tournées et des arrangements plutôt poussés pour une première démo, le tout se laissait écouter avec grand plaisir. Mais le temps est venu de tourner une page puisque Shinra, après quelques mois de travail, nous arrive avec une seconde démo, ‘Des Choix Sont A Faire‘, et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il y a eu du changement.
Tout commence avec ‘Angel Or Demon‘ et dès les premières secondes on peut se rendre compte que le son général a beaucoup changé : l’accent est beaucoup plus mis sur les guitares qu’auparavant, qui bénéficient désormais d’un son beaucoup plus clair. Est-ce une bonne chose ? On dira que c’est une question de gout mais ce qui est certain c’est que ça sonne beaucoup moins death qu’avant. L’impression se confirme lorsque qu’arrive un premier break avec harmonies et même un solo (pour un total de trois dans l’ensemble du titre !). Le premier titre avec sa structure complexe, ses changements de tempo et ses riffs très courts et nombreux laisse donc plutôt perplexe. Une seule certitude demeure : la musique de Shinra semble avoir développé un côté beaucoup plus mélodique et moins rentre-dedans que précédemment.
Ce n’est qu’avec les premières notes et la rythmique pur hardcore de l’intro de ‘Au Quotidien‘ qu’on retrouve le Shinra furieux et enragé qui donne sérieusement envie de se remuer. Malheureusement, c’est aussi à ce moment là qu’on se rend vraiment compte que ce qui faisait en grande partie la force de cette musique, c’est-à-dire une voix surpuissante et caverneuse, a perdu beaucoup de place dans le son global. Il est bien sur là question d’un choix au niveau de la production : perdre de la puissance pour gagner de la clarté. Le problème est que désormais cette voix qui semblait émaner du plus profond des ténèbres sonne beaucoup plus forcée et les coeurs hurlés avec un phrasé haché n’arrangent en rien ce problème. C’est donc avec appréhension qu’on aborde le troisième et dernier titre de cette démo, ‘Des Choix Sont A Faire‘. Une lead aérienne accompagne sur fond de guitare acoustique une voix féminine le temps d’une courte diction faisant office d’intro. C’est propre, mélodiquement plutôt inspiré et le tout s’enchaîne parfaitement avec les riffs bien écrasants et (encore) un solo puisant son inspiration dans les classiques du thrash oldschool.
Au final, ‘Des Choix Sont A Faire‘ laisse après une première écoute une impression beaucoup plus mitigée que son prédécesseur : globalement plus complexe il nécessite beaucoup plus d’attention, d’autant plus que les quelques flottements et innexactitudes instrumentales ont (pour la plupart) été corrigés. Il reste dommage qu’à certains moments, couverte par des choeurs presque parlés, on a du mal à reconnaître la voix principale pourtant si efficace. Les structures qui paraissent au premier abord quelque peu décousues sont en fait simplement plus travaillées. Le plus discutable serait peut-être le fait d’inclure des solos (beaucoup de solos…) dans chaque titre sur une demo de trois titres seulement. Du coup si on l’écoute d’une traite ou en boucle, on a vite l’impression d’entendre un solo tous les deux riffs.
Il est peut-être préférable de découvrir ce groupe avec sa démo éponyme qu’avec ‘Des Choix Sont A Faire‘, le premier étant plus facile d’accès et entraînant. Mon plus grand regret personnel reste tout de même la perte du côté complètement barré et second degré qui faisait la force, entre autres, de ‘Small Bacon Tomato Quiche‘ (qui continuera a égayer mes froides nuits d’hiver à coups de grognements gutturaux et riffs écorchés) au profit de quelque chose de beaucoup plus sérieux. En même temps le groupe évolue vers la mélodie, les mentalités vers plus de sensibilité aussi et on ne peut pas les blamer pour ça.