Il y a deux ans, les suisses de Cataract créaient l’évènement avec leur troisième album, ‘With Triumph Comes Loss‘. Ben oui, il faut bien dire qu’à part pour les férrus amateur de hardcore, le groupe n’était pas vraiment sorti de l’ombre avant ce troisième opus tout simplement monumental. Puissance, inventivité dans la composition, et surtout une rage et une hargne débordante ont fait que cet album a été unanimement applaudit par la critique. Et c’était bien mérité. Mais comme on le sait, plus le précédent a marché, plus on attend le suivant au tournant. Le groupe a donc mis deux ans a paufinner ce nouveau rejeton, et le voici enfin : ‘Kingdom‘.
On ne change pas une équipe qui gagne, Cataract fait donc toujours dans le hardcore lourd et teigneux, celui qui tâche, celui qui fait mal. Et le constat semble encore plus évident lorsqu’on se prend pour la première fois l’intro, ‘Kingdom’s Rise‘ en pleine face : un martelement guerrier presque tribal monte doucement en puissance et toutes les images épiques qui accompagnent ce style musical viennent à l’esprit, la marche d’une armée soulevée sur la haine de combattants sanguinaires, que rien ne peut arêter, des bannières qui flottent au vent, des cris de bataille hurlés à gorge déployée sur de vastes désolations apocalyptiques (oui, moi le hardcore ça me fait cet effet là…). Et en effet, lorsque les guitares se joignent à cette batterie qui sonne comme un appel à la barbarie, on se rend compte à quel point Tue Madsen, encore une fois à la production, a réussi a créer une fois de plus un mur de son qui rien ne traverse.
La caisse claire claque comme des coups de fouets dans l’air, répétés sans relâche, les riffs sont toujours aussi rapides et entraînants et le chant de Federico toujours aussi enragé, spontané et dynamique. Pour résumer, à la première écoute, il est difficile de ne pas apprécier l’album tant on est content de retrouver cette fine équipe en si grande forme, aussi débordante d’énergie qu’on l’avait laissé sur ‘With Triumph Comes Loss‘.
Pourtant, à forcer de se passer tout ça en boucle, on peut se rendre compte que même si le niveau reste extrêmement élevé, ce ‘Kingdom‘ ne fait pas le même effet que son prédécesseur. Les compos sont certes toujours très accrocheuses, mais les riffs ne restent pas gravés en mémoire au bout d’une ou deux écoutes avec l’envie compulsive de les réécouter dans un très court laps de temps, comme c’était le cas avant. Les rythmiques sont devenues beaucoup plus répétitives, la batterie se fait beaucoup plus souvent ‘thrashisante’ qu’avant, avec des syncopes désormais omniprésentes. Les mid-tempos sont toujours là, et ils font d’ailleurs vraiment honneur au style avec leurs guitares hachées et écrasantes comme jamais, mais le tout manque de gros blasts à la double comme on pouvait en entendre de temps à autres auparavant. Pour utiliser une belle métaphore qui, je l’espère, sera assez compréhensible, si ‘With Triumph Comes Loss‘ était une argumentation parfaitement ponctuée et à la syntaxe des plus correctes, ‘Kingdom‘ aurait sonné mieux avec quelques virgules supplémentaires et des tournures de phrases plus élaborées. Voilà, c’était la minute poétique de cette chronique.
Ce nouvel album est donc sans conteste un excellent album, mais il diffère cependant en de nombreux points de son prédécesseur. En même temps, je donne mon avis en ayant connu uniquement ces deux derniers opus du groupe et de vrais fans ayant une vision plus gobale de la discographie de cette formation trouveraient sûrement beaucoup à y redire. Pourtant je ne peux pas m’empêcher de regretter les arrangements si bien sentis qui ont laissé place ici à des compositions peut-être plus brutales et plus aggressives mais durant lesquelles on a moins souvent l’occasion de dresser l’oreille à l’occasion d’un petit break ou autre en se disant ‘merde, qu’est-ce que c’est bon, ça…’