Puscifer – V Is For Vagina

Longtemps annoncé et même étrenné sur les BO des films de SF gothiques ‘Underworld‘, Puscifer semblait destiné à devenir l’un de ses projets si prometteurs de Maynard James Keenan qui ne verrait jamais le jour (tel le super groupe mort-né Tapeworm) tant il se faisait désirer. Sauf que cette fois, Maynard a eu de la suite dans les idées et s’est donné les moyens nécessaires pour réussir avec la présence de nombreux artistes chevronnés à ses côtés, Alan Moulder à la prod’, Tim Commerford et Brad Wilk des Rage Against The Machine mais aussi Danny Lohner et Alessandro Cortini (Nine Inch Nails), Josh Eustis (Queens Of The Stone Age), Brian Lustmord (connu pour ses quelques remixes de Tool) ou plus anecdotiquement car difficilement identifiable mais fièrement annoncé sur le blister du CD via un sticker orange fluo, l’actrice Milla Jovovich ! C’est donc en cette froide période de novembre que le skeud nous arrive enfin dans les mains, petite visite gynécologique de ‘V Is For Vagina‘.

Quand expérimentation rime avec incantation et que l’électro se fait possession, cela donne Puscifer. MJK semblant ici à plus d’un titre possédé par son side project car en termes d’ambiance, il n’a plus grand chose à apprendre le frontman de Tool. Et si l’électro a remplacé en grande partie les instruments de ses habituels comparses, celle-ci se fait tout aussi inquiétante et prenante, hypnotisante même tant les boucles y sont légion, transformant les morceaux les plus improbables en obsessions.
Á ce titre, ‘Sour Grapes‘ constitue un très bon exemple, le chanteur s’appuyant ici sur des choeurs venus transcender sa déclamation, cela lui conférant de sérieux airs de virulent télévangéliste US, la rare basse se faisant alors battement cardiaque, rythmique électrisante. Ce morceau de gospel mystique appelant à la rédemption de chacun (avec le second degré que l’on peut imaginer de sa part) et montant inexorablement en pression, finit par prendre au(x) trip(es) pour devenir un titre improbablement catchy.
Maynard n’hésite donc pas à accentuer ses traits de chanteur ‘possédé’ à l’aide de choeurs bien sentis, nous attirant inéluctablement à lui dans cet univers à la fois inquiétant et séduisant fait d’incantations amérindiennes servies par une électro sans faille (‘Trekka‘ et sa vertigineuse descente) mais aussi d’invocations à la limite de l’exorcisme audio (‘Dozo‘ servi par la voix démultipliée du chanteur sur fond de ‘Jesus‘ là où ‘Queen B‘ se sert de ses choeurs pour insuffler cette dimension mystique qui colle tant à l’album).
Voix grave, quasi-mortuaire, il n’hésite pas à nous étourdir de sons électros lents parfois complètement barrés, pour nous faire perdre le sens des réalités (‘Drunk With Power‘), tout n’étant finalement que délectation et lenteur maîtrisée.
Si vocalement parlant, l’artiste ne montre pas toute l’étendue de son talent, force est de reconnaître qu’il se montre capable d’allier sa voix à un univers électro intéressant. ‘Indigo Children‘ ayant par exemple des relents assez prononcés de Nine Inch Nails mais il faut dire que la présence d’Alan Moulder à la production n’y est pas étrangère non plus bien que la voix du chanteur vienne littéralement transcender le tout. La version de ‘The Undertaker‘ empruntant pas mal aussi d’ailleurs à la brutalité froide et clinique de NIN pour une révision bien à l’opposé de la version déjà connue, le tout sonnant comme un remix aux allures d’électro-Manson en milieu de compo. Á vrai dire, je préfère tout de même le Renholder Mix que l’on connaissait déjà de ce titre.
Et si cette ‘envahissante’ électro sait se faire séduisante, elle manque aussi parfois d’accroche comme évoqué précédemment ou encore sur ‘Drunk With Power‘ qui prend des allures de trop long interlude musical. En tout cas, j’avoue que le peu d’instruments qui figure ici est impeccable. Comment ne pas aimer le titre ‘Momma Sed‘ et sa partition de guitare acoustique et de ses choeurs impeccables assurés (tous deux) par la chanteuse Ainjel Emme (du pur Perfect Circle selon moi). C’est d’ailleurs dans cette optique que le déjà connu ‘Rev 22_20‘ a été remixé, libérant au passage une sacrée décharge de sensualité qui doit pas mal au piano jazzy sur lequel la délicate voix de MJK vient se poser. Une superbe révision du titre !

Mêlant habilement le côté mystique du chanteur entrevu à maintes reprises aux sonorités froides et électros de Danny Lohner et Alan Moulder le temps d’un album franchement réussi, ‘V Is For Vagina‘ confirme une nouvelle fois que MJK est un artiste béni des dieux (peu importe leur origine d’ailleurs) qui ne cessera donc jamais de réussir tout ce qu’il entreprend et ce, même si finalement, l’artiste ne montre qu’une partie de son énorme talent.