Saul Williams – The Inevitable Rise and Liberation of NiggyTardust

Saul Williams est un rappeur, aux goûts très éclectiques. Un poète aussi, qui pourrait s’apparenter au mouvement slam. Egalement un acteur, pour son rôle remarqué dans le film… ‘Slam‘, justement. Saul Williams, c’est un peu ce genre de mec qui se fout des étiquettes et qui brave les clivages, qui touche à tout et qui réussit. Difficile d’être encore plus respecté. Et pourtant.

Après deux albums, ‘Amethyst Rock Star‘ (2001) et ‘Saul Williams‘ (2004), très bien accueillis par la critique, où le natif de Newburgh s’amusait à marier une base hip-hop à la poésie slam, avec des touches rock et autres plages electroniques, un autre grand monsieur du monde musical actuel, un certain Trent Reznor (bien connu dans nos pages html) apprécie fortement son travail et l’invite pour être la première partie de Nine Inch Nails durant leur tournée européenne en 2005. Si bien que Monsieur Nine Inch Nails proposera plus tard au rappeur de produire son nouveau disque. Et là on a une attaque. Il existe, parfois, des rencontres improbables que l’on n’osait même pas imaginer dans des rêves musicaux des plus fous.
Le 1er Novembre 2007 sort ‘The Inevitable Rise and Liberation of NiggyTardust!‘, et, à l’instar de Radiohead quelques semaines plus tôt, l’album est seulement disponible en téléchargement (légal) sur le site officiel de Saul Williams, gratuitement, ou pour 5$ (seule la qualité du son diffère). Encore une révolution. Sous l’impulsion de Trent Reznor ? Peut-être.

Trent Reznor, parlons-en. L’homme a réussi à imposer sa patte sur ce disque, de la production jusqu’au titre de ce disque digital (clin d’oeil à David Bowie) donnant une nouvelle dimension à la musique du grand Saul. Les compositions sont indéniablement industrielles, on pense parfois aux albums ‘With Teeth‘ et ‘Year Zero‘; le créateur de NIN pousse même la chansonnette sur les titres ‘Break‘ et ‘WTF!‘. Un curieux paradoxe se présente alors à l’auditeur: tout en restant proche de l’univers du poète, l’intonation de la voix de ce dernier semble emprunter à Reznor, si bien que l’on se prend au jeu et, une fois la fiche ‘.pdf’ de l’album réduite sur la barre de tâches, on ne sait plus très bien qui chante. Mais malgré ça, les premières écoutes sont satisfaisantes.

De toute façon, quand il y a Saul Williams et Trent Reznor dans les crédits d’un album, ça ne peut être qu’un triomphe. Et ce n’est pas le morceau d’ouverture qui va me faire mentir. Ce ‘Black History Month‘ est un morceau empli de fougue industrielle, avec une boucle électronique saturée qui provoque un bon mouvement de tête, et bien sûr le flow si caractéristique du rappeur. Cela aurait pu servir à l’introduction d’un match de boxe. On en parlera à Jean-Marc Mormeck.
Les tonalités acid jazz de ‘Convict Colony‘ étonnent à peine tellement les messieurs, chacun dans leur domaine, ont su innover par le passé. Le sympathique ‘Tr(n)igger‘ fini (le morceau est articulé autour d’un sample du ‘Welcome to the Terrordome‘ de Public Enemy), un paterne de batterie bien connu vient aux oreilles: il s’agit bel et bien de la reprise de ‘Sunday Bloody Sunday‘ de U2. Ils ont osé, les sauvages. Une réussite, sophistiquée et clinique, aux nappes grésillantes et froides. Le ‘NiggyTardust‘, chronique du héros de l’oeuvre, est l’occasion d’une rencontre avec CX KiDTRONiK et son vocodeur. Les ambiances aériennes de ‘Skin of a Drum‘ sont également plaisantes, propices aux voyages oniriques.
Mais là où le duo frappe encore plus fort, c’est quand le tempo ralentit… et c’est là où Nine Inch Nails se fait le plus ressentir, le chant, les choeurs, les notes de piano, les 4 et 6 cordes discrètes mais essentielles, la batterie robotique, tout y est. L’enchaînement ‘No One Ever Does‘ – ‘Banged and Blown Through‘ – ‘Raised To Be Lowered‘ (sur cette dernière, l’ombre de Trent est plus qu’omniprésente) est réellement énorme. On se laisse emporter par les mélodies magiques des voix et des instruments. Une p*tain de claque.
On repasse l’album en boucle. Un disque intelligent, dans sa conception, dans sa composition, dans sa ‘commercialisation’. Intelligent, à l’image des deux auteurs de cette bombe sonore. Et ce n’est pas les quelques moments de déjà vu et les longueurs en milieu de galette qui vont nous ôter l’excitation. A noter que bon nombre des paroles de l’album sont des adaptations du recueil de poèmes de Saul Williams datant de 2006, intitulé ‘The Dead Emcee Scrolls: The Lost Teachings of Hip-Hop‘.

Mais en définitive, on a du mal à définir ‘The Inevitable Rise and Liberation of NiggyTardust!‘ comme le réel successeur de l’album éponyme de 2004. Plutôt le fruit d’une collaboration de génie entre deux monstres sacrés de la musique actuelle. Peut-être pas un album de Saul Williams à part entière, sûrement pas une escapade solo de Trent Reznor. Probablement le résultat du travail de l’entité NiggyTardust. Et même si l’on ne trouve pas de véritables hits comme le mythique ‘List of Demands (Reparations)‘ issu de l’éponyme, cet album est une véritable réussite, expérimentale, vaste et intelligente. Encore une fois, Saul Williams impressione, sans oublier un Trent Reznor qui ne s’est pas trompé. On se demande à quoi va ressembler la suite.