Il faudra quand même le dire un jour : Portishead, c’est de la daube. Comme Massive Attack.
Non ce n’est pas un effet rhétorique, non ce n’est pas là parole d’ivrogne fan de metal à l’esprit aussi ouvert que les cuisses d’une vierge effarouchée, non ce n’est pas hérésie de le dire. Portishead était aux années 90 ce que Cocorosie ou Brisa Roché sont actuellement : le papier peint sonore pour bobos. La culture du vide. Du tourne en rond. Qu’y a-t-il a entendre dans le très attendu Third ? Rien. L’impression est que rien ne se passe. Si, on entend bien une dame éructer des cris de femme battue mais tout à fait entre nous, qui a envie d’avoir Marie Trintignant comme voisine, si ce n’est Gilbert Becaud ?
Pourtant Third ne débute pas trop mal avec « Silence », titre emmené par un beat urgent et surtout, un semblant de mélodie. « Hunter », plus organique, sonne quelque peu comme un inédit de Radiohead période Kid A, surtout sur le très joli arpège final, à la limite du plagiat. Deux titres forts réussis qui n’augurent en rien du vide sidéral qui suit. Des chansons pourtant pas longues qui semblent durer une éternité (« Nylon Smile »…), une émotion qui ne vient jamais et surtout un chant qui dépasse allégrement les limites du pénible … Lorsque Portishead s’applique à une politique du less is more, on approuve plutôt (« The rip » ou « Deep water ») mais lorsque les anglais tentent des gros coups comme sur « Plastic » et ses variations rythmiques, sur « We carry on » au lyrisme grandiloquent, sur le débile « Machine gun » avec un rythme sensé rappeler une mitraillette (t’as pigé ? Machine gun, flingue… trop fort, hein ?), sur l’orgue des Doors revenus de l’autre côté de « Small », on décroche carrément. Il ne se passe rien. C’est très médiocre au niveau des mélodies et de l’émotion là où les deux albums précédents, déjà pas exactement de grandes oeuvres, avaient tout de même dans le ventre quelques titres imparables. Les anglais tentent le grand disque ambiant, sombre voire menaçant mais le tout sonne assez régulièrement comme des remixes ratés de Nine Inch Nails, et Dieu sait qu’il y en a, avec un son qui n’agressera même pas les fans de Lorie. On peut dire que Portishead essaie de faire son Massive Attack et c’est de ce côté là très réussi : on s’ennuie au moins autant. Pourtant Third a un petit truc en plus, cette pincée de l’ingrédient magique qui en fait pour sa bonne moitié un disque coloscopique. Ce petit truc en plus, c’est une Beth Gibbons aux envolées vocales proches de Amy Lee –Evanescence quelqu’un ?- dans la catégorie vache qu’on égorge. Il y a bien longtemps qu’on n’avait pas entendu une chanteuse ou un chanteur confondant à ce point chant et bouffonnerie. Ah non il y a Cindy Sanders puisque Björk a disparu. Third est à ranger dans la catégorie déjà surpeuplée des « disques qui font voir la Vierge », un truc lent, que les anglais de Bristol ont sûrement imaginé conceptuel (« hé les mecs, j’ai une idée, une chanson qui s’appelle Machine gun avec un rythme qui rappelle une mitraillette. C’est stylé non ? »), sombre parce que le monde ne va pas bien et qui plaira sûrement à ceux qui pensent que disque difficile signifie automatiquement disque de qualité. On repense à ce fan sûrement illuminé de Radiohead expliquant avec foi qu’on pouvait voir dans le livret d’Amnesiac une prophétie du 11 septembre 2001 alors à venir. Bon, ici, au mieux on imagine qu’un fan transi pourra éventuellement apercevoir la descente du PSG en ligue 2, au mieux… ou sa future gastro, peut être. Certains élaboreront des théories de complots franc-maçonniques, de fin du monde, d’harmonies subliminales à la « Tomorrow never knows », de réinvention du son mais écouter Third, c’est regarder un mur en pensant que c’est une fenêtre.
Third est un disque la plupart du temps prétentieux, frimeur, vide, un disque con qui espère que l’auditeur sera intelligent. Une sorte de parodie de ce qu’on pouvait attendre (attendre, pas espérer…) et comme chacun le sait la parodie est l’hommage que la médiocrité paie au génie. Question : y a-t-il jamais eu du génie ici ?