Ah, on l’aura attendu ce nouvel Aussitôt Mort. L’excellent EP ‘6 songs‘ sorti fin 2006 rassemblant leurs titres enregistrés sur différentes démos et splits avait révélé le screamo-hardcore profond et inspiré des Caennais. Mais début 2008, patatra : le chanteur, Greg, se fait virer du groupe pour laisser sa place à… personne. Un groupe de screamo sans chanteur, ça l’a fout mal. Qu’à cela ne tienne, les 4 membres restants de Aussitôt Mort continuent leur chemin, et sortent en cette fin d’année leur premier véritable album, ‘Montuenga‘.
Dès la première écoute, un constat s’impose : jouer sans chanteur implique des changements, et Aussitôt Mort ne déroge pas à la règle. Le quintet au hardcore nerveux et hurlé jouant des morceaux plutôt courts est devenu un quartet essentiellement instrumental au rock lourd et travaillé dont les chansons s’étirent sur plus de six minutes. Pour autant, le groupe n’a pas fondamentalement changé de registre. On retrouve les riffs entêtants, les effets aériens et breaks dévastateurs qui enchantaient déjà dans les premières démos du groupe. Plutôt que de se contenter de composer des chansons d’emo-hardcore comme auparavant, les quatre caennais ont décidé de poser leurs ambiances, et se laisser aller à quelques expérimentations. Grand bien leur en a pris, le résultat est bluffant. Les mélodies sont de toute beauté, comme magnifiées par l’ambiance lourde et puissante imprimée par la section rythmique.
Sur cet album, les titres purement instrumentaux sont tout simplement excellents. ‘Huit‘, à ce titre, est un petit chef d’oeuvre. Imaginez Archive dans les Desert Sessions. Non, imaginez plutôt entrer un trip zen éthéré alors que vous marchez au milieu d’une autoroute, au mépris du danger ambiant. Enivrant d’inconscience. C’est presque trop court, tellement on en redemande. ‘Le kid de la plage‘, autre titre instrumental, s’ouvre sur un thème enfantin sorti des films de Tim Burton, pour aboutir sur un riff abyssal digne de Year of No Light. Pour les autres chansons de ‘Montuenga‘, les parties vocales sont assurées par les guitaristes et le batteur. Sur la plupart des chansons, le chant se fait discret, le groupe se contentant de choeurs (‘On n’a qu’à dire qu’on s’en fout‘, ‘Mort Mort Mort‘) ou alors dilué dans le son des instruments (‘Le prophète du mal‘), ce qui est du plus bel effet. Par contre, il reste des réminiscences du Aussitôt Mort – ancienne formule : ‘Une heure plus tard‘ est volontairement moins puissante pour mettre bien le chant en avant, mais malheureusement la voix est bien trop fragile pour convaincre. De même, ‘Que le veilleur gagne‘, avec son son massif et son coté rentre-dedans, aurait mérité un meilleur chant.
‘Montuenga‘ regorge de surprises (violoncelle, xylophones, fantaisies rythmiques…) et les arrangements sont d’une qualité rare. Pourtant, le challenge était compliqué : réussir à proposer une musique cohérente après s’être séparé d’une composante quasi essentielle de leur musique. Bien qu’Aussitôt Mort ne se soit pas radicalement métamorphosé, les changements sont assez importants pour dérouter ceux qui connaissaient déjà le groupe auparavant, et il est possible que certains amateurs de chant screamo boudent cet effort. Peu importe. A l’heure du bilan, les Normands peuvent être fiers d’eux, ils ont réalisé une bien belle oeuvre.