A peine deux heures de route m’auront suffit pour rejoindre l’enceinte du Fort Saint-Père, à côté de Saint-Malo, en Bretagne. J’arrive sous un soleil inespéré, presque sous la chaleur. Je déchanterai vite quand le soleil sera tombé, plus loin dans la soirée. Tente plantée, pass récupéré, je prends la route vers le site du festival depuis 1992, celle du fort saint-père donc, ancien monument militaire reconvertit aujourd’hui pour les manifestations artistiques du coin.
Pour décrire en vitesse le site, il n’y a qu’une seule scène, et en face, tous les stands (bouffe, bar, et stand fanzine/labels). Et des chiottes, aussi. Les inter-concerts sont ponctués par un dj set plus ou moins intéressant selon l’heure. Mais déjà les jolies Dum Dum Girls entrent sur scène.
Dum Dum Girls : Dumb dumb rock.
Premières à (tenter de) chauffer la scène, les quatre cholies demoiselles de Los Angeles entament leur set par une reprise des Stones ‘Play With Fire’, d’une molesse et d’un manque de classe flagrant. Le reste est encore plus anecdotique. Leur album, donnant pourtant bien envie de les voir IRL restera ce qu’il est, un disque rock de plus qui servira bientôt à caler le dernier meuble Ikéa bancal acheté. Pas un mot entre les chansons, un timide au revoir à la fin, elles ne resteront pas dans les annales du festival.
Owen Palett : Violin Fantasy.
Le beau gosse Owen entre quelques minutes plus tard sur scène, seul. Armé d’un violon et d’une pédale de sampling, il enregistre ses boucles qu’il superpose les unes aux autres, en ajoutant ses mélodie et son chant par dessus. Le soleil brille encore et le garçon captive autant les quelques connaisseurs du premiers rangs que les profanes dans mon genre. Les premiers sourires se dessinent ça et là, et d’après les premiers avis recueillis dans le public (encore timide), c’est la première véritable surprise du week-end. Accompagné sur la fin par un percussionniste, il s’en ira comme il est venu, dans la simplicité et sous les applaudissements.
Yann Tiersen : Tu vas nous jouer Amélie, poulain ?.
Non, il ne la jouera pas, et tant mieux. Le breton s’est fait accompagner sur scène par quinze musiciens et choristes pour un projet exclusif à la route du rock, répété auparavant à Rennes. On a donc le droit à un concert oscillant entre un rock assez classique mais efficace et des envolées Post-rock (dont certaines magnifiques). Le gars en a sous la pédale, et les envolée guitares-violon passent comme papa dans maman et semble stupéfier encore un peu plus les incrédules venus le voir pour Amélie. Le site est presque remplis pour lui. Peut-être un peu lassant sur la longueur, projet novateur et étonnant, j’en ressors à ma grande surprise avec une agréable impression.
Liars : Ils avaient raison, donc on est venu.
Suite à l’enregistrement de leur dernier opus à L.A., le groupe veut nous offrir d’après ses propres mots de nouvelles options, ne pas réduire leurs chansons au simples rangs de pistes enchainées en live les une après les autres, mais bien une relecture de leurs compos. Dans un premier temps, on a l’impression d’entendre le Black Rebel Motorcycle Club des deux premiers albums, un son vaporeux, un rock blues cradingue et perché. Ça me plait. Un temps. Puis j’aurai voulu repartir sur les bases de leurs premiers morceaux à eux, quand les structures étaient mises à mal par leur imagination acide. Peine perdue, tout restera assez consensuel et l’envie de se coucher l’emporte vers la fin du set. Je louperai donc à mon grand regret Caribou et sa pop électronique, apparemment parfaite ce soir.
Deuxième jour, deuxième ambiance, pluie battante jusqu’à 21h. Bof, plus de bottes dispo sur St-Malo apparement. Bof. Heureusement, tout s’arrete juste avant le concert de Foals.
Foals : Foalie furieuse.
Ce groupe est juste formidable en concert. Ce n’est à pas le jeune éphèbe répondant au pseudo de Justme qui me contredira. Les mecs enchainent les tubes sous le frêle soleil de fin de soirée breton, revenenu (d’on ne sait où) pour notre plus grande satisfaction. Côté setlist, on a du ‘Cassius’ (un peu mou, mais toujours fédérateur), ‘Balloons’, ‘Electric Bloom’, ‘Miami’ et surtout ‘Spanish Sahara’. Je suis bonheur total. Ca se termine tranquillement, et on se prépare déjà à subir Massive Attack.
Massive Attack : Arme d’ennui massif.
On pourrait résumer ce concert par le mot purge, mais ce serait un poil indélicat envers eux. Bon, gros son, ça y’a pas de soucis, c’est carré, ça balance les basses bien comme il faut, pas une couille hors du pantalon, un vrai show. Si les anciens morceaux passent toujours bien genre ‘Angel’ notamment, j’en viens rapidement à la conclusion suivante, le trip-hop c’est cool en album, mais imbuvable en concert. Ciao les gars, merci quand même d’être venu.
Twoo Door Cinema Club : Nan, mais avec un nom comme ça, t’es sûr que c’est bien ton groupe là ?.
Après avoir rejoint quelques amis mayennais (légèrement) alcoolisés, on s’approche sans trop de difficultés de la scène où les pré-pubères de TDCC comptent bien foutre le feu. Je les avais un peu vite catalogué dans la catégorie des PPL (Passeront Pas L’été). Beh finalement c’est plutôt sympa comme groupe, ça joue simple sans se la jouer trop prétencieux, et c’est plutôt efficace dans l’ensemble. ‘Undercover Martyn’ et ‘I Can Talk surtout, en final sur-vitaminé. A suivre probablement. Suivront les We Have Band mais la médiocrité des premiers zim zim boum boum entendus me feront vite rejoindre ma tente.
Jour 3, l’apothéose, la cerise sur le gâteau à la crème, la joie absolue, les sourires et de la classe aussi, un peu.
Archie Bronson Outfit : Archie cool ouais.
Tout en boubous africains et en classe, ils arrivent sur scène face au soleil, lunettes vissés sur le nez, et envoient directement leur blues crade. On oscillera en fait entre stoner allégé et blues crade pendant une heure environ d’un concert assez sympa, où le groupe nous emmènera sur les sentiers fleurant bon la terre sèche et la poussière.
Serena Maneesh : La route du crack.
Bon alors, y’a deux catégories autour de moi à la fin du concert. Les incrédules (la majeure partie de l’assistance), et les mecs qui filent au camping changer de pantalon en quatrième vitesse. Pour faire bref, SM c’est le fils illégitime de My Bloody Valentine qui aurait copulé avec Nine Inch Nails. Niveau rythmique, ça envoit, entre batterie (en partie electronique), basse ronde et surpuissante et samples electros, on prend cher niveau décibels. Mais d’un autre côté, ça fait un bien fou. Alors oui, le chanteur, parlons en, vite fait. J’aurai bien aimé gouter à ce qu’il a pris avant d’entrer sur scène, ça avait l’air surpuissant. Bon il a pas chanté beaucoup, plutôt quelques borborygmes placés par-ci par-là. On notera une chute d’ampli à son actif, et un final déroutant où le gusse restera par terre une dizaine de minutes à répéter une boucle de quatre accords. Je fais parti du clan des dubitatifs, mais ne redemande pas mieux que de les revoir un de ces quatre.
The National : Les régionaux de l’étape. Troisième passage en sept années pour les américains si je ne m’abuse. Attendus comme les messies par le public breton, le concert donné ce soir là m’aura conquis. Je ne connaissais qu’une ou deux chansons, et encore, et je n’ai pas décroché une seconde devant le set proposé. Seul léger reproche, le chanteur qui gueule un peu à tout va, sans trop de raison apparente, surtout sur des pistes calmes. Mais bon, à part ça, ils servent un peu de tout les albums et tout le monde est content.
The Flaming Lips : Free Hugs & Free Fun.
On m’avait vendu du rêve avant de les voir. Tout ce que je lisais m’avait foutu l’eau à la bouche. J’aimais bien les morceaux que j’avais pu entendre, sans plus. Mais de visu, c’est autre chose. Une déflagration atomique de confettis, de couleurs, de mains géantes, d’ours, et de fun, surtout. Wayne Coyne fait le show, les tubes se succèdent. Et oui, son entrée en scène est assez formidable : une bulle de hamster géante, l’ami Coyne dedans, et bam, deux minutes à rouler sur le public, en transe, forcément. The Flaming Lips, c’est autant visuel que musical. On en prend plein les mirettes et les oreilles pendant une heure, et on aimerai bien qu’ils jouent plus longtemps.
The Rapture : Dance or Die.
Le champ de boue servant de site au festival devient vite un immense dance-floor sur les coups de 2h30, heure où les Rapture se décident à lancer la dernière offensive de cette vingtième édition. Les deux premiers albums y passent, et c’est un réel bonheur de bouger son petit derrière sur les titres du premier notamment. Réjouissants et généreux, ils pourraient remplir des stades avec des morceaux comme ça, mais on est bien contents de pouvoir les voir dans un festival de cette dimension.
J’aurai passé trois soirées à me remplir les oreilles de bons groupes, pas de réelles déceptions à part Dum Dum Girls et Massive Attack, mais n’attendant déjà pas grand chose d’eux en concert… Une bonne ambiance malgré un temps de merde le samedi, une boue bretonne que j’étais bien content de refouler après y avoir vu les Raveonettes et les Cure cinq ans auparavant. Et puis voir une belle programmation dans un cadre agréable et surtout à dimension humaine, ça fait vraiment plaisir, et ça donne fatalement envie de dire vivement l’an prochain.