Fauve ✖︎ Marché gare ✖︎ Lyon

Difficile de passer à côté de Fauve depuis le début de l’année : entre passages sur les radios tendances (Nova et Le Mouv en tête) et chroniques dithyrambiques un peu partout, les jeunes parisiens semblent remporter l’adhésion de tous où qu’ils passent. Leurs concerts affichent complets dans l’heure où ils sont annoncés, leur EP « Blizzard » a atteint des records de précommande, et pour l’instant, les gens qui n’aiment leur musique se contentent de passer leur chemin. Que du positif, quoi.
Convaincu par les 5 titres disponibles en libre téléchargement sur leur site, j’ai pris ma place pour le concert de Fauve à Lyon au Marché Gare il y a quelques mois déjà. J’étais franchement curieux de voir comment ce groupe s’en sort en live avec les titres aussi calibrés « studio ».

En me pointant à la salle, je constate que le concert est complet. Franchement, je n’avais jamais vu autant de monde dans cette salle qui d’habitude a (malheureusement) beaucoup de mal à se remplir. A peine le temps commander une pinte d’ambrée que la première partie se lance. Autant le dire clairement, la première impression que donne Blind Digital Citizen est désastreuse. Un mec qui triture son synthé Bontempi, un DJ qui se prend pour David Guetta alors ça sonne comme du Jean Michel Jarre, un chanteur dandy qui balance des phrases courtes toutes les 8 mesures, alternant propos confus et saillies vaguement provoc’… C’est chaud. Heureusement pour eux (et pour nous), ça s’améliore grandement par la suite avec la mise en place d’une section basse batterie solide, des choix plus judicieux et un final quelque part entre Depeche Mode et Kavinsky – y’a plus dégueu comme comparaison. Ce n’est pas donc la catastrophe absolue, mais comme scande le chanteur dans un moment tristement ironique : Qui s’en rappelle ?

Les lumières se rallument, et le public commence gentiment à se tasser. Je remarque un nombre élevé de filles et même de jolies jeunes filles. J’aimerais bien en voir autant aux concerts de punk hardcore kosovars auxquels je me rends régulièrement, mais bizarrement ça n’arrive jamais. Tant pis. Une rapide discussion avec mes voisins hipsters m’initient aux mécanismes de la hype : aimer sans retenue et être détaché en même temps, snober les nouveaux fans en décrétant connaître un groupe avant, quand c’était encore cool et surtout toujours savoir quel est le groupe à suivre. Aujourd’hui c’est Fauve, hier c’était Lescop et avant-hier c’est Alt-J, adulé puis rangé au placard dès le premier passage sur Virgin Radio. Triste.

Arrivent 5 mecs, la petite vingtaine, pas très assurés (à l’exception du guitariste, plutôt stoïque). Un drap blanc est disposé derrière eux où sont diffusés des bouts de vidéos avec la typographie caractéristique du groupe que tout le monde attend. Les gars se lancent dans un instru lounge qui passe joliment vers un son tendu et saturé, jusqu’au break et aux premières notes de « St-Anne« . Cris dans la foule, c’est bon, Fauve est arrivé. Dès le début, le chanteur déballe ses textes, arpentant la scène de droite à gauche, il ne tient vraiment pas en place, ce qui contraste bien avec le guitariste à ses côtés au-devant de la scène. Derrière, Riri (Machines), Fifi (Batterie) et Loulou (Basse) assurent bien. Il se dégage un groove pas dégueu, le coté épuré est bien retranscrit sans que cela fasse trop cheap, même si ça manque de percutant par moment. Fauve correspond à ce que l’on connaissait d’eux : des beatmakers doués qui savent bien utiliser les guitares.

Forcément, avec un chanteur aussi prolixe, on redoutait que les paroles, si prédominantes dans la musique Fauve, ne passent pas l’épreuve du live. Les craintes se confirment assez rapidement : le gamin chante tellement vite que de nombreux passages s’avèrent incompréhensibles, et du coup l’intérêt descend en chute libre quand on ne connait pas les chansons. Le groupe semble en être conscient et manie l’auto dérision de façon assez drôle, raillant l’incessant débit de parole du chanteur, ou insistant avant le morceau « 4000 îles« , le seul morceau que vous pourrez chanter de l’aveu même de l’interprète. Fauve ne triche pas, et ne se cache pas derrière ses textes pour jouer un rôle. Et malgré les imperfections, l’émotion passe entre le groupe et son public, c’est indéniable.

Le concert suit alors son cours entre sourires béats quand on connait le morceau joué, et moments de circonspection quand un titre inconnu vire au brouhaha. Certains choix instrumentaux fonctionnent moins bien, mais sont compensés par des preuves de bon goût évidentes, comme cette idée de projeter pendant un slow un remontage de la scène de bal du premier Retour vers le Futur. Après un « Blizzard » magistral qui verra le chanteur haranguer la foule avec de grands gestes, Fauve s’éclipse.

Évidemment, ils reviennent pour jouer ses deux tubes, « Nuits Fauves » et « Kané« . C’est sur ces morceaux que le groupe a voulu jouer de façon un peu plus intense qu’on se dit que le groupe gagnerait beaucoup à utiliser une vraie batterie au lieu d’une batterie électronique. Cela donnerait l’ampleur qu’il manque à certains morceaux, et surtout le groupe a déjà un batteur : autant qu’il apporte plus que ce qu’une simple boîte à rythme pourrait faire. Ensuite, rideaux, malgré l’insistance du public. S’ensuivra une belle cohue sur le stand de merchandising, où j’ai pu discuter un peu avec Loulou (le bassiste, si vous suivez bien) (oh, et en fait il s’appelle Stéphane) qui s’avère être étonnamment fan de Propagandhi. Plutôt cool, ouaip.

Si Fauve a donné un concert dans l’ensemble plaisant, soucieux de respecter son public et de donner le meilleur de lui-même, on vous conseillera d’écouter les différents titres de Fauve disponibles çà et là avant de vous aventurer à les voir en concert. Leur format non conventionnel – qui, entre autres fait leur charme – n’est pour l’instant pas encore très maîtrisé sur scène. Si cela conviendra aux fans (et ils étaient nombreux au Marché Gare), la réaction d’un public découvrant le groupe risque d’être radicalement différente. A titre personnel, l’innocence et la fraicheur de ces petits gars a fait du grand bien, luttant contre mon cynisme naturel et la tristesse des comportements de mes semblables. Nique sa mère le blizzard.