Chaque année And So I Watch You From Afar donne son concert parisien en prenant le soin de changer de salle au passage. Ma première prise de contact en live remonte aux Eurocks en 2010. Après avoir squatté leur premier album, je m’étais retrouvé à planer littéralement pendant un set euphorique sous chapiteau où le pied palpable ressenti par les Irlandais avait transcendé la fosse et clairement marqué le week-end de festoche. Un Rock Herk en 2010 et une Maroquinerieen 2013 plus tard, me voilà toujours aussi chaud pour assister à une quatrième prestation au Batofar.
La perte de leur rouquin de frontman, Tony Wright parti faire de la folk dans Verse Chorus Verse, n’avait rien changé à l’énergie de la troupe et j’étais curieux de voir comment elle se portait un an après la sortie de All Hail Bright Futures.
Man Is Not A Bird ouvre les hostilités avec des sons d’oiseaux tout droit de Natures et Découvertes qui nous pètent les oreilles. Heureusement la suite est nettement plus accueillante avec ô surprise, du post-rock. Une première partie inspirée et remuante où les 4 bonhommes foutent un bordel costaud, compact et rapidement captivant. La frappe énergique du batteur et les mélodies prenantes expédient le set à une vitesse folle. On t’invite ardemment à aller surveiller sur Spotify et tout autre support où ces messieurs sont susceptibles de lâcher du biscuit parce que ça vaut le coup d’oreille. Au cas où, on les surveille pour toi.
Leur EP Restlessness sur Spotify ici.
Rapidement, les roadies s’affairent à plier bagages et Chris Wee s’invite sur la scène pour régler sa batterie. Un minimum syndical vu le traitement qu’il va lui faire subir lors de son set. Chaque membre d’ASIWYFAviendra d’ailleurs tâter lui-même son manche avant le grand départ.
En remplacement de Tony, Rory Friers reprend le rôle de porte-parole de la soirée et le fait avec les deux qualités nécessaires : empathie et sympathie. Toujours là pour lâcher le mot français à con et le remerciement sincère, il capte l’attention avec son jeu de scène inimitable. Les yeux fermés, concentré sur sa gratte comme si son sort en jouait et le riff de sa vie allait en sortir, il se démène en permanence. De l’autre côté, Niall Kennedy joue la carte de la puissance avec sa moustache fer à cheval et son jeu bien en place toujours très proche de l’avant-scène. Au milieu, Johnny Adger en impose également avec un son de basse caverneux. Avare en sourires et en expressions faciales de toute sorte, il soutient la section rythmique de feu porté par le musculeux et infatigable Chris Wee. N’ayant plus vu un t-shirt depuis 1994, il continue inlassablement et sans le moindre signe de fatigue à tabasser avec son jeu syncopé ses pauvres fûts. La team n’hésite pas à se rapprocher pendant les morceaux pour croiser le fer et sauter dans tous les sens, ce qui donne encore plus l’impression de voir des potes réaliser leur trip de gosses.
La bande nous assène 1h30 de set épique sans répit ni temps mort, piochant à l’envie dans leurs EP et leurs albums. 14 morceaux dont 5 pour All Hail Bright Futures. Le tournant optimiste, très fête au village dans l’esprit rarement emprunté dans ce genre musical est totalement adopté par le public. La fosse agitée a l’air d’ailleurs de lui rendre justice au vu des réactions immédiates que peuvent donner les choeurs d’”Ambulance” ou le refrain d’”Eunoia” qui avait ouvert le concert. Encore aujourd’hui, j’ai personnellement une préférence pour les précédents mais quoiqu’on en dise, ASIWYFA n’a jamais l’air aussi content sur scène qu’avec ce dernier disque. Comme on le disait d’ailleurs dans la chro à la sortie : « on n’en doute pas une seconde, c’est la fête dans leur tête ». On a quand même droit aux classiques “7 Billion People All Alive at Once”, “Set Guitars to Kill” ou “Search:Party:Animal” mais les morceaux du premier se font nettement plus rares.
Morceau de bravoure de leur disco, “The Voiceless” garde elle depuis le début cette place particulière dans la setlist. A l’époque où le son du groupe était plus atmosphérique et planant, piste post-rock par excellence elle plie en toute beauté un concert qui sentait l’homme agité, la sueur méritée et le pogo bon enfant. Rarement vu une salle parisienne aussi remuée : si le Batofar devait couler, c’était bien un de ces soirs. Fort heureusement, la proue est en place et on pourra s’y refaire une escale au plus vite.
Grosse poignée de main viril à Graham leur tour manager et aux équipes de Sargent House.