Milieu de semaine, dernier jour de cet été avant l’heure, le public se presse devant la Flèche d’Or, habituellement à moitié vide alors que le soleil n’a pas encore décliné. Normal, ce soir, c’est Drenge qui joue, et Drenge, ce ne sont pas des petits rigolos. Alors que Royal Blood prend toute la place et dégouline un peu partout, un autre duo, guitare/batterie cette fois, commence à se faire une place, doucement mais sûrement.
L’année dernière déjà, au Download Festival, le groupe avait fait sensation sur la deuxième plus grande scène, lâchant tranquillement mais sûrement ce rock ‘n roll garage un peu crasseux sortant d’outre tombe. Les curieux étaient bluffés, les connaisseurs mettaient déjà l’ambiance.
Entre temps, un second album est sorti, et c’est pour défendre Undertow que Drenge passe par la capitale, accompagné d’autres compatriotes, les Happyness.
Le trio londonien ne paie pas de mine, mais offre une prestation précieuse. D’une fine mélancolie, le son d’Happyness enveloppe doucement mais sûrement le public présent ce soir-là, rappelant les douces heures de l’emorock. Happyness, c’est un peu comme si The Promise Ring avait donné une suite à Wood/Water, y ajoutant un peu de tendre jeunesse et de britpop pur jus (It’s On You). Une découverte magique qui atteint son apogée avec Lofts et Pumpkin Noir.
L’audience, quelque peu statique et je m’en foutiste, semble pourtant un peu se réveiller sur Anything I Do Is All Right, mais globalement, la sauce ne prend pas. Tristesse je suis, car les premières parties de cette qualité se font de plus en plus rares. Heureuse je suis, car cet interlude me met la tête dans les étoiles. Je décolle …
… pour rester en transe. Alors que raisonnent les premières notes de Running Wild, j’embarque pour un voyage bien plus chahuté qui suinte le rock ‘n roll bien gras qui pue. Guitare hypnotique, basse rutilante, voix lancinante, batterie à la rythmique presque tribale, c’est la sauvagerie brute qui se dégage de Drenge. Un mur du son qui contraste avec la sobriété presque froide que dégage le groupe, mais qu’on ne s’y trompe pas : la passion qui étreint Eoin et Rory n’est pas Loveless (bon ok elle était facile celle-là), bien au contraire. Petits sourires en coin, œil qui pétille de malice, Drenge veut juste faire le job dans les règles sans s’encombrer d’apparat. Tout le monde est là pour la musique, donc prenons tous notre pieds !
Justement, parlons-en de cet orgasme collectif, car le public s’apparentait plutôt à une femme frigide ce soir-là. Désespérément, quelques fans tentent de faire bouger les coincés qui peuplaient l’assemblée, et c’est finalement lorsque retenti leur single We Can Do What We Want que quelques pogoteurs dans l’âme décident de céder à leur pulsion et lancent les festivités.
Dès lors, c’est l’éclatement, un feu d’artifice maintenu par une setlist savamment orchestrée. Standing in the Cold fera office de parenthèse sous LSD faisant furieusement penser aux belles heures de The Vines, avant que la drogue fasse effet et qu’Undertow/Never Awake nous réembarquent dans une spirale infernale.
L’extase, brutale, se fera sur Let’s Pretend, le hurlement bestial d’Eoin réveillant les quelques instincts primaires qui sommeillaient encore chez les plus réfractaires. Stoppé net, le set laisse le public sur sa faim, et avant qu’il ait pu reprendre son souffle, Drenge a déjà quitté la scène, sans chichi.
Au final, le duo nouvellement trio avec l’ajout d’un bassiste a assuré un set sans fausse note, la basse apportant plus de profondeur et de rondeur aux compositions. Cependant cette heure et demi laissera un léger sentiment de frustration, non pas à cause du groupe, mais de son public, ennuyeux au possible. Un contraste assez saisissant entre la force du son et l’impassibilité ambiante, mais qui n’aura pas empêché ceux qui le voulaient de se plonger corps et âme dans la musique de Drenge.
Setlist
Running Wild
Side By Side
Gun Crazy
Nothing
The Snake
Backwaters
We Can Do What We Want
I Wanna Break You In Half
Bloodsports
Favourite Son
Standing In The Cold
Undertow
Face Like A Skull
Fuckabout
Let’s Pretend