Il n’y a pas à dire, il m’en faut peu pour être heureux. Et non, ma pilosité n’a rien à voir avec ça. La raison de mon euphorie est la suivante : Saul Williams, le polyvalent artiste qui avait eu l’immense honneur d’avoir vu chroniqué son « The Inevitable Rise and Liberation of NiggyTardust » par mes soins en novembre 2007, était de passage sur le Vieux Port de Marseille, dans le cadre du très éclectique Marsatac Festival, le vendredi 26 septembre. Forcément, [team]Marku[/team] a vécu cet événement pour toi.
Vendredi 26 septembre 2008. 18H. Départ de la Cité des Papes vers la cité phocéenne avec un acolyte qu’on nommera Horace. Pluie diluvienne, embouteillage, la good life quoi, comme dirait l’autre montréalais. 19H10. Arrivée sur la terre d’accueil actuelle d’Eric Gerets. On pense s’être perdu, mais on tombe nez-à-nez avec le site du Marsatac. La good life, j’te dis. 19H30. Voiture garée. 19H47. Menu Maxi Best-of Chicken McNuggets, avec frites et Ice Tea. Sans sauce, merci. 20H20. Arrivée devant l’entrée du site. On retrouve une acolyte qu’on nommera Charlie. Dans la foulée, je vais retirer mon accréditation auprès de la baraque à frites prévue à cet effet. Je donne mon nom, ma carte d’identité, le nom de ma « structure » : rien à faire, je ne suis pas sur la guest-list. Une petite blonde rondouillette m’explique qu’il y a dû avoir un bug lors de la demande, ou, tout simplement, que mon accréditation a été refusée. « – Désolé, j’peux rien faire pour vous, ce n’est pas de ma faute » / « – Oh, c’est pas grave, j’comprends« . Non, en fait je ne comprends pas, et même qu’au plus profond de moi, je lui nique tendrement sa race. Bref. Je paye ma place, je me fais fouiller, j’avance vers les scènes. 20H50. Saul Williams ne commence qu’à 22H, va falloir que je m’occupe. 21H. Patrice entre en scène sur la scène Pharo. J’aime bien Patrice. Je ne le connais pas trop, mais j’aime bien. Il faut dire qu’il m’avait bien fait danser tout bourré avec son hit reggae-pop « Soulstorm« , quelque part entre 2005 et 2007. Le plus sierra-leonais des allemands n’a pas besoin de forcer son talent pour mettre le public (très féminin) dans sa poche, son sens de la tchatche (en français, parfois) et sa bonne gueule diffusant un incroyable sentiment de bonne humeur sous le chapiteau. 21H55. Toujours pas de « Soulstorm« , je commence à me demander ce qu’il branle, surtout que le grand Saul va bientôt arriver sur l’autre scène. 21H57. Je regarde l’heure pour la cinquième fois en deux minutes. 22H02. Il la joue, enfin ! Ça saute, ça chante, ça s’emballe à la fin : tout le monde est content, et je m’arrache vite fait vers la scène Major-Digitick en espérant que Saul et ses sbires n’aient pas encore commencé leur show. Et en pensant que Patrice, en concert, c’est un sacré bon moment.
22H10. Je me place contre la barrière de sécurité, à droite de la scène et contre un pilier. Place idéale. Les trois musiciens sont déjà en place, et produisent un vacarme bruitiste. Un espèce de Dark Vador SM fait office de claviériste en face de moi, tandis qu’un guitariste, au style vestimentaire empruntant autant à Jimi H. qu’à ABBA ou Michael Jackson, est placé sur la gauche. CX KiDTRONiK, co-producteur, bidouilleur et choriste sur « The Inevitable Rise and Liberation of NiggyTardust!« , mène ce joyeux bordel, aidé de pads, de machines, d’une cymbale (!) et d’un micro, dans la surface de réparation des planches. Saul Williams déboule sur scène, veste rouge à la The Libertines (t’as vu), slim rouge, t-shirt vert XXS, paire d’Adidas funky, et, surtout, crête de plumes vissée sur le crâne. Légèrement efféminé, le gonze. « Gunshot By Computer » retentit, et je suis immédiatement frappé par la présence scénique du natif de Newburgh. Enchaînement direct avec « Grippo« . Je bouge déjà tout seul, transporté par ces stridentes notes de gratte. Le public marseillais, lui, n’est pas tout à fait chaud. Pourtant, le spectacle est beaucoup (beaucoup, beaucoup, beaucoup) plus intense qu’un Marseille-Monaco version 2008-2009. Les Public Enemy étaient présents au Marsatac ’06, mais continuent de hanter les lieux : le sample de « Tr(n)igger » est lancé, les connaisseurs reconnaissent l’emprunt au « Welcome to the Terrordome » du crew de Chuck D. La chaleur monte, les quasi-légendaires accords de piano introduisant le monumental « Black Stacey » se font entendre, la foule est plus réceptive, monsieur Williams a une montée de speed et semble complètement possédé. Bordel, j’ai vraiment du mal à croire que ce mec se soit fait jeter à Bercy quelques mois plus tôt. ‘foirés de parisiens. En tout cas, j’sais pas ce qu’il a pris, mais c’est de la bonne. Intense, délicate et exquise, « Banged And Blown Through » prend une toute autre dimension en live. J’en ai la chair de poule. Le guitariste a l’air d’être légèrement épileptique. Dark Vador, lui, totalement amorphe. Le boss parle peu, mais captive petit à petit l’auditoire. Vient l' »interlude » -à comprendre « bordel déstructuré anti-dansant »- qui débouche sur « Control Freak« . Sur CD, la chanson ne m’a jamais trop fait frétiller, mais la version live a des couilles. Surtout dans ses dernières mesures, avec ce beat saturé et endiablé. J’ai mal aux cervicales. Accalmie avec « DNA« , Saul choppe le décodeur et accorde quelques instants de répit au public, qui monte crescendo sur l’échelle de l’excitation. « Convicted Colony » se présente, les quatre gangsters sonores sont intenables, les cuivres digitaux compressent l’ouïe, CX KiDTRONiK se défoule et défonce sa seule cymbale, avant d’empoigner son micro et de se jeter sauvagement sur sa table en appuyant violemment Saul sur les « I don’t really want it » finaux (ou finals ? J’en sais rien). Un dj qui hurle et qui se donne autant, ça poutre. Pas le temps de respirer, « List of Demands (Reparations) » est exécuté, ça danse de tous les côtés, comme dans le clip. J’ai une violente érection. Saul Williams s’arrache de la scène, ses gars restent encore un peu histoire d’achever nos oreilles avec des sons venus de l’espace, ça remercie vite fait et c’est fini. 23H10. Je l’ai vu. Et quelle putain de claque. Dès qu’il repasse dans nos contrées, j’y serai. Une bête de scène, j’te dis. L’opposé de sa prestation parisienne, apparemment. Saul, je t’aime.
23H15. Après ça, Hocus Pocus ne m’intéresse même pas. J’entends néanmoins d’une oreille inattentive leur hit « J’attends« . 23H20. Petit coup d’œil chez les Foreign Beggars, connu en France pour leur collaboration avec Rouge@Lèvres, le groupe de Disiz la Peste. Entre performance surdouée de hip-hop, dj-set jungle-dubstep plus frais que la brise marseillaise et beatboxing, les londoniens régalent. Pas autant que Saul Williams, mais bon. J’en oublie même d’aller voir Bauchklang. 00H20. Petit tour sur le site, entre errance, coup de fil et séance photo clandestine. 00H45. La fatigue se fait sentir, on regarde De La Soul, on bouge quelques minutes, et on s’en va. Ce soir, Charlie, Horace et Marku n’enflammerons pas les dancefloors drum and bass, dubstep et jungle du Marsatac. Une autre fois, sûrement. Mais merde, Saul Williams en forme, je suis comblé.
Saul Williams : setlist
Intro
Gunshot By Computer (Y34RZ3R0R3M1X3D)
Grippo
Tr(n)igger
Black Stacey
Banged And Blown Through
Interlude
Control Freak
DNA
Convicted Colony
List Of Demands (Reparations)
Outro