Comme tu as déjà pu lire le compte-rendu, le 8 Octobre Jesse et Sebastien se rendaient en France pour leur premier concert en salle. C’est également notre première avec eux, autant faire d’une pierre deux coups !
La dernière fois qu’on vous a vu à Paris, c’était pour Rock en Seine 2011 où vous jouiez dans le cadre de votre reformation.
Oui, c’est d’ailleurs la première fois que nous avions joué en France.
Comment vous vous sentez au lendemain du premier concert de votre tournée européenne ?
Je suis content que ce ne soit pas le premier show de la tournée, bien que la dernière fois ici fut excellente.
Pourquoi cette forme d’appréhension ?
C’est toujours bon de s’échauffer un peu lorsque tu fais quelque chose dont tu te soucies vraiment. Chaque show de reformation que nous avions fait, nous avions eu l’occasion de répéter pas mal. Là, ça fait environ un mois qu’on n’avait pas joué. Ce qui est le délai le plus long qu’on n’ait jamais eu entre 2 concerts. Mais bon…
Alors, comment c’était hier à Cologne ?
Jesse : Cool. C’était une salle un peu bizarre, on n’entendait pas vraiment les réactions du public mais il avait l’air content. Beaucoup de jolies filles et de gens blonds. Beaucoup. D’ailleurs, je trouve que l’idée reçue autour des blonds est vraiment plus visible chez les Allemands que dans les pays nordiques. Il y a vraiment énormément de sourcils blonds chez les Allemands.
Ok, bon sens de l’observation ! Vous ne les entendiez peut-être pas hier soir mais vous les voyiez bien visiblement.
Sans transition. Un mois après la sortie les critiques sont bonnes, le show ce soir est sold-out donc je présume que pour l’instant tout va bien. Dans quel état d’esprit vous étiez avant de vous mettre à The Physical World ?
Jesse : On était excités de faire de nouvelles chansons. On est vraiment détendus lorsqu’il s’agit de se mettre à écrire de la musique. On est que tous les deux, on sait comment on fonctionne et rapidement, on arrive à produire quelque chose sans qu’un sentiment négatif parvienne à remplacer cette excitation. C’est facile pour nous d’écrire une chanson. Par contre, on a essayé d’être beaucoup plus critique par rapport à ce qu’on a pu faire sur le premier. Avant, on acceptait ce que chacun apportait comme idées. Cette fois, c’était plutôt : « je suis pas sûr de ça… »
Donc on retournait le truc, on essayait quelque chose d’autre ou on gardait l’idée mais en tournant autour avant finalement de trouver le bon équilibre. C’est normalement ce que font les groupes je pense. Mais on ne fonctionnait pas comme ça par le passé… (rires)
S’adressant à Sebastien : Tu sais, la première version d’Always On, le refrain initial était plus compliqué à la base. Ensuite, je t’ai demandé si tu pouvais jouer quelque chose d’autre et t’as sorti le refrain présent sur le disque d’un coup. C’était tellement dur d’écrire les paroles pour l’autre refrain, on avait la basse qui partait complètement en vrille et c’était dur de faire suivre le chant sans faire des trucs aïgus à la lalalala comme tu peux entendre dans le rock FM des eighties. Je me demandais même ce que j’étais en train de sortir comme notes à ce moment-là.
Comment ça s’est passé avec le producteur ? Il est arrivé à la fin de la compo ou plus tôt ?
On a essayé de le faire venir lorsque la plupart des chansons étaient écrites. On lui a montré tout ce qu’on avait, il nous a donné son avis sur des choses assez basiques comme la place du refrain, du couplet… On a switché quelques parties, ajouté des paroles pour boucler des refrains. Ce qui nous a permis de rendre certains morceaux plus immédiats, assez facilement en fait. Ensuite, il est parti pendant un temps nous laissant seul pour finir le reste des morceaux. Ce qui est arrivé vite, à part le pont de « White is Red » qui est devenu au final le refrain. A part ça, on s’est servis de son avis de départ et de ses envies pour le reste de notre écriture. Il nous a filé quelques astuces et on les a appliqués.
Quand on a du enregistrer, ça s’est passé comme tu peux l’imaginer. Dans une salle, beaucoup de micros, de prises, enregistrer et trier entre ce qui est bon et ce qui l’est moins. Ce pourquoi je le dis comme ça, c’est que je m’attendais peut-être à plus de magie dans l’addition d’un producteur.
C’était vraiment comme tu peux l’imaginer. Notre producteur travaille d’une manière très traditionnelle. Nous ne sommes pas facile à enregistrer ou à produire parce que nous sommes également des producteurs et nous avons passé des années à enregistrer. La plupart du temps, tu avais donc 3 producteurs dans la même pièce. Chacun potentiellement pouvait avoir son idée et l’argumenter pour aboutir au résultat final. Au final, je pense qu’on a un bon enregistrement de notre groupe, très fidèle à notre son.
Jesse : Moi aussi, je m’attendais à cette magie. Lorsqu’on a fini, je me suis dit : « Ah, où est-elle ? Est-ce que je la verrais un jour ? » (rires)
Notre groupe est défini par sa structure. On a une basse, une batterie et du chant. C’est comme ça que l’on sonne. S’il y avait un piano dans l’histoire, ce serait différent et on sonnerait peut-être comme Keane.
A propos du son, vous ne vous êtes pas ramollis avec le temps.
Je pensais que si !
Dans l’idée, je pense qu’on peut vous trouver plus « pop » ou mélodique mais ça sonne toujours aussi brutal et on a l’impression que vous avez toujours envie d’aller plus vite et/ou plus fort. Pour vous, c’est lié à quoi ? Les autres groupes dans lesquels vous avez pu joué en dehors de DFA ou juste le fait de vous retrouver à 2 ?
Sebastien : Naturellement, nous avons fait d’autres choses. Jesse a fait de la techno, de la dance, il a travaillé avec de vrais songwriters qui lui ont permis de progresser sûrement dans ce sens. Ce n’est pas pour autant qu’avant de rentrer en studio, on s’est dit qu’on allait mettre tout ce qu’on avait « appris » ces dernières années. Nous avons surtout essayé d’amener nos meilleures parties de basse, de batterie et de chant. Le disque, c’est un témoignage : celui de notre meilleur niveau il y a un an de ça.
Jesse : En ce qui concerne les sentiments, l’agressivité ou non, je pense que ce groupe est le lieu pour certaines émotions que nous avons et on peut y retrouver ce que tu as ressenti. Il y a une certaine partie de ma personnalité que j’exprime avec ce groupe et d’autres qui ne correspondent pas. Pareil pour Sebastian. Sans même en discuter entre nous, on sait quelles idées sont bonnes pour ce groupe et lesquelles ne le sont pas. Une partie de l’explication peut aussi se retrouver dans le fait que nous avons eu du temps pour penser ce que le groupe était et n’était pas.
S : N’oublions pas qu’avant de parler d’un deuxième album de DFA, je devais faire une version « DFA » et Jesse allait en faire une version « dance ». Au lieu de faire ça, on a juste splitté et on a fait de la musique chacun de notre côté.
J : Depuis que nous répondons à nouveau à des interviews, pas mal de personnes nous répètent des choses qu’on a dit ces dernières semaines. J’aimerais bien qu’on nous pose des questions sur ce qu’on a dit 10 ans auparavant. (rires)
S : Quelqu’un l’a fait. Certaines choses dont nous sommes en train de parler aujourd’hui, j’avais totalement oublié les avoir déjà dites 10-12 ans auparavant.
Dans le premier album, il y a pas mal de passages électroniques. Dans celui-là, on en entend peu ou pas ? Une vraie volonté ou ça s’est fait comme ça ?
J : Il y en a également mais elles sont juste moins perceptibles dans le mix, un peu plus enfouies. Mais en effet, il n’y a pas de passages au clavier par exemple. Lorsqu’on a enregistré le premier, c’est comme si nous étions en train de vomir des idées dans le micro. Tu vois « Romantic Rights » ? Est-ce que tu vois le passage avec les kongas, les cloches au milieu de la chanson ? Je joue des kongas, on claque des bouteilles, des shakers dans tous les sens… C’est le bordel. Personne nous en parle. Jamais personne nous a parlé de ce pont latino. J’aimerais qu’on me parle plus des trucs qu’on enfouit dans le background de nos morceaux. (rires)
( A la fenêtre une voiture klaxonne à la parisienne, ce qui interroge Jesse qui l’apostrophe un étage au-dessus. S’ensuivent les pleurs du gamine, qui rappelle à Jesse qu’il déteste lorsque les gamins viennent en pleurant vers leurs mères.)
Est-ce que vous pouvez m’en dire plus sur le doc qui est sorti le 7 octobre dernier ? Quelqu’un vous a demandé s’il pouvait vous suivre ?
Nous avons demandé à quelqu’un de nous suivre. Quand on a repris le travail, j’ai senti que c’était important et je ne voulais pas que ça arrive sans aucune trace, ni souvenirs derrière. Je suis un grand fan des rockumentaires et des moments bachotages filmés comme Pink Floyd en train d’enregistrer leurs disques. Je trouve ça génial d’avoir ce degré d’intimité et je le voulais aussi pour nous. On a donc demandé à une personne qui nous a pris en photos pendant des années et elle avait envie de le faire.
On ne voulait pas être impliqué dans le processus. C’était la partie la plus compliquée. « Réalise quelque chose sur nous mais ne nous demandes pas trop ce qu’on en pense. »
Mais c’est la seule manière de le faire parce que sinon, le résultat est biaisé.
Donc elle a eu le final cut ?
On a vu quelques extraits par-ci, par-là mais le « final cut » on l’a découvert pendant la premiere à Toronto entourés de nos familles, nos amis et ceux qui travaillent avec nous depuis 10 ans. Il y avait donc 200 personnes avec nous pour voir ça pour la première fois.
Quelles réactions avez-vous eu ?
Sebastien : C’était drôle ! J’étais nerveux, Jesse se marrait.
Jesse : J’étais assez sérieux pendant tout le truc. Jusqu’à ce qu’il y ait un passage où on voit Sebastien danser pendant que je joue de la basse. Je ne l’avais jamais vu, il danse dans mon dos et ça m’a fait hurler de rire. C’est issu d’un truc à l’époque qu’on nous a conseillé de faire. On ne connaissait rien au business et on nous a dit de faire un EPK (Electronic Press Kit) avec une vidéo que tu pouvais lire sur CD-Rom. Donc on a essayé de réalisé un clip tourné dans une maison faite en… carton. Mais c’était quasiment impossible de la retoucher après. On n’avait pas d’ordi assez puissant pour éditer de la vidéo. Mon ordi de l’époque avait 8 méga d’espace disque, je ne pouvais même pas y faire entrer une chanson entière.
Quand vous ne jouiez pas dans DFA 1979, est-ce que vous êtes toujours resté en alerte sur la scène rock ? Est-ce que vous trouvez une parenté avec des groupes qui sortent des albums aujourd’hui ? Je le demande parce que beaucoup vous citent en tant qu’influence.
Sebastien : C’est génial. Par contre, j’écoute très peu de groupes qui ne contiennent pas de potes. A chaque fois, il y a un membre que je connais ou un de mes potes en connaît un.
Jesse : J’ai l’impression qu’au plus tu apprécies la musique des groupes, au plus t’as de chances de bien t’entendre avec eux. Il y a un groupe de Californie qui s’appelle Big Black Delta que j’aime beaucoup.
Il y a aussi ce mec qui se fait appeler Reignwolf. Son clip, c’est juste lui qui joue live sous la pluie battante. Je suis en train de voir pour le contacter parce que… ça défonce.
Sébastien : Dans tous les groupes que je mentionne : Kurt Vile, putain que son album était bon, j’ai un pote qui joue dans le groupe. Même sur Twin Shadow, c’est un pote de Jesse qui a réalisé un de leurs clips. Connan Mockasin aussi est excellent et fait un truc vraiment à part. Bah, il est sur le même label que nous… Il y a toujours un gars qui traîne. (rires)
Jesse : Il y a un tas de bonne musique qui est produit chaque année. Je pense que c’est parce qu’on a accès à tout que c’est plus dur de rester attentif. Je crois que dans notre cerveau, il y a une case allouée à la musique et hélas, il n’y a pas de place pour tout le monde.
La dernière pour la route : quelle est votre blague préférée ou la dernière qui vous ait fait marrer ?
« Anything with race in it » (rires)
Malgré une réputation peu flatteuse envers les médias, Jesse et Sébastien se sont révélés très accueillants, drôles, ouverts et bavards. Le concert du soir était en plus excellent, come-back réussi donc pour un groupe dont on attend déjà le prochain passage.