Interview ☭ La Ruda

La Ruda continuait sa tournée de promo de son dernier album, « 24 Images / Secondes« . A l’occasion de l’un de leur passage à l’Elysée Montmartre, on en a profité pour les choper. Histoire de savoir comment se passait l’accueil du nouvel opus (une transformation pour la Ruda qui a d’ailleurs abandoné la Salska) et de prendre la tempéture avant de goûter à une séance live du groupe qui garde toujours une excellent réputation. Entretien avec Pierrot, chanteur du groupe, très enclin à parler sous l’effet de substances caféineuses…

Concernant le titre de l’album, « 24 Images / Secondes« , s’agit-il d’une référence au cinéma ? On a l’impression qu’il s’agit d’un clin d’oeil à l’affiche de « La 25e heure » de Spike Lee.
Très bonne remarque pour le film, mais ce n’est pas ça du tout. En fait, si on a choisi ce titre, c’est parce qu’il n’y a pas de connotation avec aucun genre précis. « 24 Images / Secondes » n’a pas de vrai rapport avec l’album, c’est plus métaphorique. Si on a choisi ce titre, c’est parce qu’on a trouvé qu’il correspondait bien à l’album qui est un patchwork d’émotions, de thèmes, de musiques. C’est un album travaillé titre par titre et pas dans une vision générale…

Avec ce nouvel album, il y a une rupture, c’était voulu ?
Déjà, on ne peut pas vraiment parler de rupture ! Quand on écoute l’album, on se rend tout de suite compte qu’il s’agit de La Ruda! Mais oui, on a voulu évoluer, faire un truc plus rock et moins festif: on s’est un peu plus posé que d’habitude. Là, on voulait faire un truc plus enervé, mais peut-être que sur le prochain album ce sera un retour aux sources, ou carrément à l’opposé… On le saura plus tard (rires).

Au niveau de ce clash musical, il n’y a donc pas eu de pression ?
Ben de toutes façons, on fait de la musique avant tout pour nous, donc forcémment on ne va pas se mettre la pression sur nous-même. Après, il est clair que notre changement de musique (qui n’est pas si brutal) peut en faire frémir certains. Mais bon, il y en aura toujours qui aimeront et d’autre pas.

Au niveau de l’écriture des textes, tu as l’habitude de raconter des histoires centrées sur des personnages plutôt atypiques. Leurs histoires, c’est du vécu ? Par exemple dans « Travers« , il s’agit d’un type qui se remet d’une cuite et qui essaie de recoller les morceaux comme il le peut…
(rires) Oui, évidemment qu’on se base sur du vécu ! Quel groupe ne le fait pas ? Tu dois forcémment partir d’un truc pour avoir quelque chose à raconter, même si après on part dans l’imaginaire le plus total. Mais tout ça, c’est pas forcémment reflechi depuis le début, on ne sait pas forcémment où on va…

Oui, j’ai entendu dire qu’Eiffel avait l’habitude d’écrire ses musiques en y chantant « Yaourt » à tout va… pour finalement écrire les paroles, c’est la même chose pour vous ?
Nos émotions passent avant tout par la musique, on compose en répét’ et j’utilise la voix en tant qu’instrument… Un peu comme Eiffel et sa méthode du « yaourt » (Pierrot s’en va chanter à tût tête « dumdalalaladala »…).

En fin de compte, les paroles sont mises à la fin et se calquent sur la ligne directrice instrumentale ?
Ca peut arriver, mais il est aussi très intéressant de le prendre à contre pied. Par exemple si sur une musique festive on colle forcémment des paroles joyeuses et niaises, ça donne très rapidement un truc à la fête à la saucisse. Ce n’est pas forcémment passionnant et très linéaire. Mais évidemment, il faut éviter que ce soit trop à contre sens pour garder une cohérence et éviter les extrêmes.

Pour en revenir au virement musical pris par La Ruda, est-ce que c’est pour ça que vous avez choisi Fabrice Leyni ?
Evidemment ! On n’allait pas le prendre si on avait voulu faire un album de musette accordéon ! Et puis il a déjà travaillé avec Pleymo pour leur dernier album «  »Rock«  ». Les grosses guitares, ça le connaît ! C’est un des seuls gars en France à faire un gros son aussi puissant. Mais il n’a pas travaillé sur toutes les chansons, seulement celles justement plus rock. On a fait appel à différents producteurs en fonction des directions musicales prises.

Fabrice Leyni est toutefois un peu plus spécialisé dans d’autres genres…
Oui, on l’a connu grâce à NTM.

… et il a aussi produit Florent Pagny
Ah, ça je le savais pas ! Il a bien raison, il a dû se faire pleins d’argent (rires).

Pour cet album, vous avez signé chez Wagram en quittant Yelen… Il y a aussi eu un changement musical et l’ablation de votre nom (autrefois La Ruda Salska). Une sorte de renaissance ?
A vrai dire, on est en auto-production depuis le début. On a uniquement un contrat de distribution et de promotion avec nos labels. Tout ce qui concerne la production d’album est à notre charge… Du coup, le fait d’avoir signé autrefois avec Yelen, ça nous a permis de souffler un petit peu, parce qu’on avait pas mal déboursé sur la table. Mais avec Yelen, tout s’était bien passé et on avait aucune pression. On était totalement libre, parce qu’auto-produits. Mais on a eu quelques divergeances qui ont fait qu’on s’est quitté mutuellement. De toutes façons, nos albums sont toujours fais à pertes avec le cycle perpetuel qui est entraîné par la suite : la scène nous a permis de réaliser notre premier album, qui nous a permis de mettre un peu d’argent de côté pour retourner sur scène, et enregistrer un nouvel album, etc… En ce qui concerne notre nom, on a choisi d’enlever la Salska parce que d’une : tout le monde nous appelait déjà La Ruda, c’est plus court. Et parce qu’on a tendu le bâton pour se faire frapper… Tout le monde nous assimilait à la ska ou à la salska alors qu’en fin de compte, on n’est rien d’autre qu’un groupe de rock alternatif. Ok, il y a des chansons plus ska, mais ce n’est pas que ça La Ruda !

D’ailleurs, dix années de scène, c’est pas trop fatiguant voire blasant ?
Non absolument pas ! C’est une vrai passion ! Dans un groupe, on est un peu comme dans une famille et en plus on a des personnalités faciles. Mais comme dans tous les groupes, il peut y avoir uqelques accrochages puisque tu vois toujours les mêmes faces et ça, ça peut être fatiguant. Mais bon, tout se passe très bien, donc non.

Vous êtes en tournée de promo’ depuis le mois d’avril et vous jouez vos derniers titres. Quelles sont les réactions du public ?
Pour le moment au niveau du groupe, tout est bien rôdé. De toutes façons, c’est un peu le but de jouer nos nouveaux morceaux. Et on se rend compte que plus on avance, plus le public connait les titres. Il y a au fur et à mesure une meilleurs accroche. Evidemment, on joue aussi nos anciens morceaux qui sont fédérateurs pour nos fidèles fans. Même si actuellement tout le monde n’a pas eu le temps de s’identifier et de retenir tous les nouveaux titres, ça avance de plus en plus. Et apparemment, il y a un bon retour.

Le fait de chanter en français, c’est un choix pris dès le début du groupe ?
Non, enfin on a bien fait deux titres en anglais dont « Roots Ska Goods« … Mais ça se limite à ça ! (rires). Et puis c’est vrai qu’à nos débuts, on était influencés par la Mano Negra : on chantait alors en anglais et espagnol. Mais en fin de compte, comme je ne parle ni l’un, ni l’autre (mon vocabulaire étant limité à light, fight…), ce n’était pas très intéressant. Le français est aussi la seule langue que je maitrise réellement et où je peux m’expliquer clairement. Dès le premier album on est parti comme ça, c’est pas un choix marketing du tout… L’anglais, c’est aussi un choix par rapport à la musique. Cette langue colle mieux si on fait du punk comme les Homeboys ou autres. Ca sonne plus rock n’ roll tandis que le français ne sonnerait pas si bien…

… Pourtant, il y a bien Minimum Serious.
Puisque vous en parlez, je crois savoir qu’ils chantaient en anglais et que c’est leur maison de disque qui les a poussé à écrire en français (NDA: peut être pour être diffusé sur les ondes radios avec les quotats des 40%…). D’ailleurs, à l’époque, tous les groupes sur majors chantaient en anglais tandis que les plus undegrounds utilisaient la langue de Molière pour s’exprimaient. La tendance s’est inversée. Bref, moi je me sens de toutes façons beaucoup plus à l’aise, et surtout, je n’aurais jamais été crédible en chantant en anglais ! Et il ne faut pas oublier qu’on risque trop rapidement d’être trop niannian tandis qu’en anglais, vu que personne ne pige, ça passe mieux.

Concernant les thèmes abordés dans tes chansons, on retrouve la défense de la nature, la politique… Est-ce que vous pensez qu’un groupe peut avoir une influence sur les gens ?
Oui… Enfin j’espère qu’on touche les gens. Bien sûr, on risque d’être catalogué comme étant un groupe engagé. Mais nous, on fait pas ça par avis politique partagé, c’est surtout parce qu’on tient à parler de choses qui nous entournent et qui nous touchent. Nous de toutes façons, je ne pense pas qu’on ait les moyens d’influencer les gens. Je pense qu’on peut changer les avis comme Brassens le faisait en son temps, dans la mesure où on sait écrire de très bonnes chasnons pour remuer les consciences. Moi c’est clair, je ne pense absolument pas qu’on ait ce talent. Mais en général, c’est toujours bon pour quelqu’un de voir qu’un message est transmis et qu’il est partagé par tous les gens qui y sont, même si on peut y adhérer ou au contraire y être refractaire. Ca dépend aussi des gens…

Voilà, merci pour tout et bon concert !
Et c’est sur les coups de vingt heures que le concert est entamé, avec en première partie les très prometteurs Daria. Au programme : température qui monte d’un cran, gloire à la bière et à la fête (à la saucisse), bonne humeur et surtout, une incroyable énergie sur scène. Pierrot et sa bande sait enchainer entre les morceaux et saute dans tous les sens entrainant avec eux la fosse… Il n’y a pas à dire, même amputé de sa Salska, la Ruda reste la Ruda !

Un grand merci à Pierrot et aussi à Vicken de Wagram (oui, effectivement, un bon Deftones à 10h du mat’, ça fait du bien!).!