Il y a 10 ans déjà, Tomas Kalnoky composait ce qui constitue l’un des meilleurs album de ska-punk moderne, le fameux « Keasbey Night » des Catch 22. Après de longues années de silence musical pour cause d’études, il décide de reprendre les choses en mains et de fonder Streetlight Manifesto. Le groupe était de passage en France pour défendre leur dernier album en date, « Somewhere in the between« . A l’occasion de leur concert parisien au Nouveau Casino, Tomas Kalnoky a consenti à répondre à quelques questions. Un Tomas Kalnoky souriant, détendu, et visiblement heureux de se frotter au public européen.
Peux-tu dire quelques mots sur Streetlight Manifesto, pour ceux qui ne vous connaissent pas encore ?
Tomas Kalnoky (chant/guitare) : Streetlight Manifesto est un groupe composé de 7 personnes, qui font de la musique ensemble… le reste est ouvert à l’interprétation de chacun (sourire).
Quand est-ce qu’a démarré Streetlight Manifesto ?
Tomas Kalnoky : Il y a à peu près 4 ans. J’avais achevé mes études, et je voulais refaire de la musique (ndr : Tomas Kalnoky est l’ancien leader de Catch 22). J’étais dans le New Jersey, et j’ai commencé à réunir des vieux amis de la scène ska, des mecs de Catch 22, aussi bien que des mecs d’autres groupes. On a formé le groupe, on a commencé à jouer, et depuis on a fait pas mal de route ces 4 dernières années.
Parlons du dernier album, « Somewhere in the between« . Y’a-t-il eu des changements notables par rapport au 1er album, au niveau de l’écriture des chansons ?
Tomas Kalnoky : Oui. Le premier album, « Everything went numb« , était une compilation des chansons que j’avais écrites pendant que j’étais encore à l’université, bien avant que « Streetlight Manifesto » n’existe. Leur écriture s’étale sur plusieurs années, et les sujets sont assez variés, le genre de sujet que tu abordes quand tu es à l’université. Le nouvel album a été écrit à l’époque où Streetlight a commencé à tourner, du coup, on parle plus de choses qu’on a vu ou vécu en voyageant avec le groupe.
On remarque des influences jazz et de musique gitane dans Streetlight Manifesto. D’où ces influences viennent-elles ?
Tomas Kalnoky : Les influences tziganes viennent du fait que j’ai grandi en Europe de l’Est, je suis né à Prague. Ma grand-mère est hongroise, et on écoutait beaucoup de musique tzigane. Par contre, je n’ai jamais vraiment écouté de jazz, cette influence là vient des membres du groupe qui font les cuivres. Ce sont plus des jazzmen, s’ils n’étaient pas dans Streetlight Manifesto, ils joueraient sûrement dans un orchestre de jazz. Dans le groupe, chacun met une partie de ses propres goûts musicaux, et on essaie de mélanger le tout de façon harmonieuse, pour ça donne le son Streetlight Manifesto. Personne dans le groupe n’écoute de ska à longueur de journée, c’est une fausse idée qu’on se fait de nous. On n’est pas un groupe de ska pur et dur, on ne porte pas de rouflaquettes, on n’écoute pas de ska two tone anglais dans le camion de tournée. On écoute plein de genres différents, on n’est pas bloqués sur le ska.
Les chansons de Streetlight Manifesto sont particulièrement longues, certains titres font plus de 5 minutes, alors que la plupart des chansons de ska punk font rarement plus de 3 minutes. Pourquoi avez-vous fait ce choix ?
Tomas Kalnoky : C’est n’est pas un choix délibéré… Disons que quand j’écoute de la musique, je n’ai pas envie que ça soit fini au bout de 2 minutes. Je préfère les chansons plus longues, peu importe si c’est énergique ou lent. Même si c’est répétitif, je veux entendre le thème et la mélodie assez longtemps pour l’apprécier. Alors, c’est sur, le ska est souvent associé au punk rock, et donc on a dans l’idée que les chansons se doivent d’être rapides et ne pas durer plus de 2 minutes. Pour moi, ça n’a pas de sens de se débarrasser d’une chanson aussi vite ; ça a aussi une tendance à cloisonner le public sur ce que doit être un groupe de ska, et c’est typiquement ce que je n’ai pas envie de faire. Je préfère écrire des chansons plus longues, avoir des textes plus poussés pour essayer de dire quelque chose. Nous ne nous occupons pas de ce que font les autres groupes, on fait les choses naturellement. Certains aiment, d’autres pas, mais c’est comme ça qu’on écrit nos chansons, et c’est comme ça qu’on les joue.
Peux-tu me parler de ton autre projet, Bandits Of The Acoustic Revolution ?
Tomas Kalnoky : Oui, bien sur ! C’est un orchestre acoustique punk rock composé de 16 à 20 personnes. Ça n’a pas été actif ces 2 dernières années, parce qu’on est très occupé avec Streetlight Manifesto, on n’arrête pas de tourner. Mais maintenant que Somewhere in the between est terminé, ça va devenir mon nouvel objectif. Enregistrer un album, peut-être une tournée… mais c’est difficile de réunir plus d’une quinzaine de personne pour faire une tournée. On a déjà fait quelques morceaux en acoustique avec Streetlight Manifesto lors de notre tournée aux USA. En tous cas, il va y avoir plus d’actualité pour Bandits Of The Acoustic Revolution dans le cours de l’année 2008. J’adore Streetlight Manifesto, mais ce projet acoustique me tient plus à cœur. C’est plus atypique, on est plus libre, il y plus de possibilité de faire des choses differentes de ce qu’on a l’habitude d’entendre.
Vous n’êtes pas venus en France depuis 2 ans et demi, ça fait quel effet de revenir ici ?
Tomas Kalnoky : Yeah, it’s good to be back ! On est venu une première fois ici en 2005, et on est revenu une seconde fois cette même année. On voulait revenir aussi souvent que possible, une à deux fois par an, mais on tourne surtout aux Etats-Unis, on a beaucoup de succès là-bas, on a du assurer beaucoup de dates, ce qui nous a empêché de revenir aussi souvent qu’on le voulait. On devait venir en Europe l’année dernière, mais l’un d’entre nous a eu des problèmes de santé, et on a dû annuler. Je pense qu’on reviendra ici fin 2008 début 2009. Mais bon, 9-10 gars dans un van, ce n’est pas forcement évident. On a beaucoup moins de succès en Europe qu’aux Etats-Unis, du coup les conditions pour tourner sont plus difficiles, même financièrement parlant. On n’a pas de tourneur qui nous paye les frais de la tournée, on paye tout de notre poche. Mais si on revient souvent, on aura plus de succès ici et ce sera plus facile de faire des tournées européennes.
Y a-t-il des différences entre le public européen et le public américain ?
Tomas Kalnoky : Le public européen est plus adulte, il semble mieux comprendre notre musique, on en parlait hier avec les autres membres du groupe. On a eu pas mal d’email de gens habitant en Europe quand « Somewhere in the between » est sorti, pour dire que l’album leur plaisait. Aux Etats-Unis, certaines personnes n’ont pas apprécié cet album pour des raisons diverses et variées, et l’un dans l’autre, je trouve ça assez logique. Cet album ressemble plus à un disque européen, de part ses influences diverses et sa complexité. Il est moins évident, et ça ne ressemble pas forcément à ce qu’un fan de ska écouterait. Le public européen est plus réceptif à notre musique, et nous lui en sommes très reconnaissant.
Merci d’avoir répondu à mes questions.
Tomas Kalnoky : Merci, c’était cool.
Sur cette tournée, Streetlight Manifesto fait la 1e partie des vieux briscards de Reel Big Fish. Ils n’ont eu donc que 40 minutes pour convaincre le public parisien, et disons le tout de suite, ils ont passé le test haut la main ! « We will fall together » déclenche les hostilités. Les 4 cuivres occupent le devant de la scène, Tomas Kalnoky étant placé tout à gauche. Les chansons se sont enchainées très rapidement, le groupe est bien rodé et l’énergie est au rendez-vous. La fosse est bien active, voire très physique, notamment sur « Down, down, down to Mephisto’s Café » où les chœurs sont assurés par les 2 saxophonistes, au top de leur forme. Le concert se termine par 2 chansons d’ »Everything went numb » : « A better place, a better time » reprise en cœur par une bonne partie du public, et un tonitruant « Here’s to life« , achevant de convertir des plus réticents.
Merci à Tomas Kalnoky, et à Anne-Claire d’Active Entertainment