Avoir l’occasion de rencontrer un artiste qu’on a désespéré de voir en Europe pendant des années, ça arrive rarement, et ça fait plaisir. Alors le rencontrer 2 fois en un an, c’est carrément la teuf. Du coup, on en oublie les conditions un peu chaotiques (déménagement improvisé dans les loges, interruptions de l’interview par les membres du groupe 1ère partie, entrevue au final de 5-6 minutes…) Tomas Kalnoky a beau être le leader d’un groupe capable de retourner une salle remplie d’évêques révisionnistes, il reste d’une simplicité confondante et d’une lucidité qui fait plaisir quand il évoque sa vie d’artiste ou ses positions sur le téléchargement illégal.
Quand on s’est vus l’année dernière, l’album « Somewhere in the between » venait de sortir. Quel effet ressens-tu maintenant que Streetlight Manifesto joue dans des salles ou chacun connait tes paroles par cœur ?
Tomas Kalnoky: C’est génial ! En fait quand l’album est sorti, nous étions en pleine tournée aux États-Unis. L’album s’est retrouvé sur le net 2 ou 3 semaines avant la sortie officielle, et du coup quand nous jouions les nouveaux morceaux, certains en connaissaient déjà les paroles ! Nous nous disions: « Merde, on a pas encore sorti le CD et ils connaissent déjà les chansons mieux que nous !« . Après, depuis un an, de plus en plus de gens ont acheté « Somewhere in the between« . Une grande composante des concerts de Streetlight Manifesto réside dans le fait que le public chante avec nous. On n’aime pas trop jouer des chansons où le public reste calme parce qu’il découvre le titre. Mais 2 mois après la sortie de l’album, les gens ont été de plus en plus réactifs aux nouveaux morceaux, et aujourd’hui c’est tout simplement génial. Surtout que jusqu’à présent nous n’avions qu’un seul album où choisir des chansons pour faire des concerts, maintenant avec deux albums c’est bien plus confortable. Malheureusement sur cette tournée nous devons jouer les mêmes chansons, parce notre trompettiste a eu un mort dans sa famille une semaine avant le début de la tournée. On a donc pris un remplaçant, à qui nous avons appris 14 chansons en 5 jours. C’est dommage que nous soyons contraints de jouer les mêmes chansons, mais au moins on a un choix de chanson plus vaste qu’auparavant.
Streetlight Manifesto est venu deux fois à Paris en l’espace d’un an, et vous ne vous êtes toujours pas faits piquer votre matériel ! (cf les news ici et là)
Tomas Kalnoky: Oui, ça fait plaisir ! La dernière fois, nous nous sommes faits cambrioler à Paris pendant les émeutes (ndr: émeutes qui ont lieu dans toute la France en décembre 2005). Cette fois-ci, c’est tranquille à Paris, mais nous nous rendons à Londres où il y a des émeutes en ce moment ! On va croiser les doigt. En fait, à Paris c’était notre second cambriolage. Un mois auparavant, on nous avait volé notre van aux États-Unis, avec tout notre matériel. Instruments, amplis, tout. On a loué l’équipement pour la tournée Européenne, et on se fait dévaliser à Paris ! (Rires) C’est pourquoi on a décidé de nommer la tournée suivante « Please Stop Robbing Us Tour » (ndr: Arrêtez de nous voler). Les gens ont fini par nous écouter, vu que personne ne nous a volé depuis !
Peux-tu nous présenter ton nouveau projet « 99 songs for a revolution » ?
Tomas Kalnoky: Ce sont 99 chansons qui seront reprises par 4 groupes différents sur 8 albums. Il y aura Streetlight Manifesto, Bandits Of The Acoustic Revolution et 2 autres groupes que nous n’avons pas encore annoncés. Le premier album sera interprété par Streetlight Manifesto, et il est en train d’être mixé. Il devrait sortir pour le début de l’été, juste avant la tournée estivale. Ce seront des chansons très variées, il y aura aussi bien des morceaux des années 40 que des choses très actuelles.
Vous jouez très souvent en concert une reprise de « Linoleum » de NOFX. Quel lien as-tu avec ce groupe ?
Toma Kalnoky: Aucun ! Je n’ai pas écouté de NOFX depuis des années. Ça a été une de mes grandes influences, du temps de Punk in drublic. « Linoleum » est une vraiment bonne chanson, elle reste efficace et reconnaissable entre mille, c’est une reprise dans un style complètement différent. Nous allons faire quelques dates avec eux lors de la tournée estivale, on va les voir tous les jours !
L’occasion de deviser avec Fat Mike (ndr: Leader de NOFX) peut-être…
Tomas Kalnoky: Haha, je ne pense pas, je suis plutôt timide, je vais probablement les regarde du bord de la scène ! Je suis sûr que tout le monde cherche à entrer en contact avec lui, il doit être difficile à approcher.
NOFX vient de sortir un DVD (« NOFX Backstage Passport« ) retraçant leur tournée dans les pays ou les groupes occidentaux ne vont jamais jouer. Ça te tente d’aller jouer dans ces pays?
Tomas Kalnoky: Oui ! On a déjà pas mal voyagé avec le groupe. On est allés plusieurs fois en Australie, c’est notre quatrième tournée en Europe, et on a fait le Japon pour la première fois cet hiver. Le problème, c’est qu’en dehors des pays occidentaux, cela coûte très cher de partir en tournée, et nous n’en avons pas les moyens. Pour l’instant, lorsqu’on est à l’étranger, c’est un peu galère pour l’hébergement, on s’arrange pour dormir chez les gens quand on le peut. On essaie tout de même d’aller dans les pays que l’on a jamais vu. Par exemple, sur cette tournée, nous irons au Portugal et en Grèce, où nous ne sommes jamais allés. Avoir l’occasion de voyager et d’aller de pays en pays avec son groupe, et faire partager sa musique, c’est merveilleux. C’est le meilleur boulot au monde !
Lors des différentes tournées, as-tu eu un contact avec la scène locale des pays où tu es passé ?
Tomas Kalnoky: Oui, notamment quand nous avons des premières parties. Certes, de temps en temps, on doit se farcir des groupes vraiment horribles, mais… bon, je vais me fâcher avec pas mal de groupes américains, mais les groupes locaux sont souvent bien meilleurs que certains groupes américains avec une solide réputation. Trop de groupes américains pensent qu’il n’y a pas besoin de savoir jouer pour faire du punk. Pourtant, en Europe et surtout au Japon, nous avons rencontré des musiciens qui avaient une parfaite maîtrise de leur instrument, et qui ridiculiserait pas mal de groupes du Vans Warped Tour.
Que penses-tu de l’initiative de Trent Reznor, qui se passe de maison de disques en demandant une libre contribution aux internautes désirant télécharger « The Slip » ?
Tomas Kalnoky: Il faut voir à quelle échelle cela se passe. « Nine Inch Nails » est un groupe avec des millions de fan, Trent Reznor a une vie plus que confortable avec des tonnes de dollars sur son compte, il peut aisément mener ce genre de petite expérience, le risque pour lui est limité. Dans le cas d’un groupe dont les membres peinent à vivre de leur musique, ce n’est déjà plus la même chose. Mais ce qui est intéressant dans sa démarche, c’est de squizzer la maison de disque. Entre l’auditeur et le groupe, la maison de disque fait office d’intermédiaire qui aujourd’hui ramasse l’argent sans jamais s’intéresser à la musique. Je dis : si tu aimes un groupe, télécharge-le, puis vient au concert voir ce groupe. Rien qu’en faisant cela, tu soutiens le groupe. Plus le concert (et le groupe) est bon, plus il y aura de monde. Avec les recettes des concert, il pourront gagner leur vie et continuer à tourner. Si tu te contentes d’acheter le CD, un trou du cul dans un bureau va tout palper, pendant que le groupe continuera a quémander l’hospitalité chez les gens pour faire des concerts. C’est pourquoi je suis assez pressé de quitter Victory Records pour lancer mon propre label. Je pense que dans un avenir proche, la musique ne sera plus le territoire des maisons de disques, mais celui des labels gérés par des vrais musiciens. Je n’ai pas envie de devenir directeur artistique, j’ai envie d’être un bon musicien qui possède son label, parce que je pourrais avoir la main sur ma musique, sur mon avenir, sur mon groupe. Il n’y aura pas un connard au-dessus de nous pour nous ce qu’on a le droit de faire ou pas, ou qui prendra les décisions à notre place. Ce serait un système bien plus honnête. Ce que tu gagnes, tu l’investis dans ta musique, et si tu te démerdes bien, tout ira pour le mieux. Tu ne te feras pas vampiriser par un quelconque intermédiaire. J’espère que tout se passera bien une fois qu’on sera libéré du contrat avec Victory Records. En tous cas, je suis pressé d’avoir mon indépendance.
Merci d’avoir répondu à mes questions Tomas.
Tomas Kalnoky: Merci à toi. A l’année prochaine !
Merci à Seb de Bad Bear pour l’organisation de l’interview.