Volcano Sessions Vol. 9 – Samedi 17 août 2024

On avait consulté les augures et celles-ci étaient formelles : si un miracle nous avait épargnés la veille, ce samedi on allait se faire rincer. Les prédictions étaient-t-elles exactes ? Restez bien jusqu’au bout de l’article, la réponse va vous surprendre.

Voodoo Kane

A peine arrivés, nos craintes sont dissipées lorsqu’on constate l’installation préventive de trois tonnelles sur le ponton : deux pour les musiciens, une pour le matos.

Pourtant, le groupe qui nous accueille maintient fièrement la pluie à distance. Voodoo Kane, c’est le projet de Nuru Kane, un musicien à l’histoire singulière. Originaire de Dakar, il se murmure qu’il aurait été initié à l’art musical par une confrérie soufie de musiciens gnawas marocains avant de venir s’installer en Auvergne pour développer sa recette d’afro-rock psyché.

La concoction servie par le trio cet après-midi est assez savoureuse et présente des textes engagés portés par l’association des sonorités mandingue et gnawa dont il a le secret, le tout saupoudré de psyché et de blues, avec pas mal de call and response pour faire entrer le public dans le spectacle.

 

Beastly

Les trois musiciens suivants se présentent vêtus de longs drapés ondulants comme portés par un vent qui fleure bon le sable chaud.

Le frontman se penche lascivement vers le micro et lâche un doux :

« Bonjour bonjour ! »

A ce moment-là, on sait déjà qu’on est faces à une escouade de rigolos tactiques prêts à mourir pour l’art de la rigolade. Mais un peu comme pour Sbonk l’an dernier, les facéties de façade permettent de distraire le spectateur pour mieux le surprendre avec des riffs surpuissants et une technicité fort élevée.

« C’est un nouveau set. L’album est sorti il y a un an et demi alors on va potentiellement se tromper beaucoup, mais on a des mises en place bizarres alors vous vous en rendrez peut-être pas compte. »

Et il a tout à fait raison. Le groupe multiplie les morceaux de bravoure, découpe et recolle ses membres si bien qu’on ne sait plus où donner de la tête et nous laisse avec la certitude d’avoir été impressionnés. On retiendra « Lubrizol Juice », un hommage poignant à l’entreprise rouennaise, mais le titre le plus puissant restera probablement « Sphincter Malicieux » et ses huit minutes de pérégrination prog.

L’été était à l’image de ce set et on apprend que les trois potes sont en vacances depuis une semaine, qu’ils sont passés par le festival d’Aurillac, qu’ils ont oublié tous leurs soucis… et le merch. Allez, ça fera une bonne excuse pour retourner les voir.

 

Publié par @f00free
Voir dans Threads

 

Sabbia

De Sabbia on ne savait pas grand-chose, sinon qu’ils étaient italiens et qu’ils se décrivaient comme jouant « un mélange entre la bande son des vieux films pronos des années 70 et celle des films qui se passent dans l’espace ».

Le pitch était aguicheur, mais la proposition se révèle en réalité bien plus subtile que la série B évoquée. Ils sont six sur les planches : deux guitaristes, un bassiste, un multi-clavieriste, un saxophoniste et un batteur chef d’orchestre. Placé au milieu du ponton, les regards de ses collègues ne le quittent pas, comme possédés par une puissance centripète. Il donne la marche à suivre, mais aussi un certain feeling et se permet par moments de lâcher les baguettes pour directement claquer les futs avec ses mains.

Le cheminement est au premier abord assez lent, mais emporte progressivement l’auditoire et passe par des phases plus réflexives ou plus sombres avec des solos de sax quasi bohren-likes, pour au final déboucher sur un énorme trip incontestable.

Le public ne tient plus et dès la fin du dernier morceau promis, offre au groupe une grande standing ovation. Alors qu’ils commencent à ranger leur matériel, les pauvres s’aperçoivent que tout le volcan est encore debout à les acclamer. On constate leurs regards incrédules alors qu’ils réalisent : « tout ça pour nous ? » Mais en italien : « tutto questo per noi? ». Après une brève consultation, ils apprennent que l’annulation d’un des groupes prévus cet après-midi leur offre un peu plus de temps et nous accordent un rappel, sous les hourras de leurs nouveaux fans.

 

Publié par @f00free
Voir dans Threads

 

Wight

L’annulation de cet après-midi offre aux autre groupes plus de temps et le chanteur de Wight est donc ravi de nous annoncer qu’ils disposent de 90 minutes, soit la durée d’un film, métaphore qu’il filera tout au long du concert. Particulièrement loquace, l’allemand obtient immédiatement nos grâces en nous expliquant qu’il est un peu français parce qu’il s’appelle René et que ses pieds sentent le fromage. Vêtu d’un costume de velours rouge, on a probablement là le plus grand showman du festival. Le line up est complété par un batteur et un percussionniste qui semblent frères et passent le concert à se raconter des blagues par télépathie, et un bassiste à l’expression déterminée capable de slapper comme un fou furieux quand le morceau l’impose.

Parce que oui, Wight se fait hyper versatile et passe d’un titre à l’autre du stoner au disco. Du chant en falsetto, une talk box, un hommage instrumental à Tony Allen… le tout restant lié par un amour du show.

 

Publié par @f00free
Voir dans Threads

 

Entre deux chansons, René nous parle de sa dépression et de l’importance de la santé mentale, de son inquiétude face à la montée des inégalités (« je veux dire, tout le monde a un trou du cul, non ? ») et de la religion. S’il ne se reconnait dans aucun des grands dogmes, il croit à la résurrection et considère le volcan comme un grand utérus cosmique. Avant de nous quitter, il nous offre cette bénédiction :

« I really hope we can come back thourgh the big cosmic uterus. »

 

Sacri Monti

Alors que Sacri Monti arrive pour s’installer, le chanteur Brenden marque une pause face au lac, puis se retourne vers le public :

« Look at this shit, uh ? »

Et tout le monde acquiesce. Peu importe les heures passées dans le cratère, cette vue reste toujours un émerveillement. Bon, il faut dire quand même que Brenden, a l’air vraiment, vraiment émerveillé, mais ça ne l’empêchera pas de gérer son set, avec une certaine nonchalance.

Quelques décennies plus tôt, Sacri Monti auraient été des superstars, répendant le fuzz, la paix et l’amour sur les foules. Notre époque est peut-être un peu plus triste, mais ce soir ils jouent auprès de leur peuple et la connexion est instantanée. Leur dernier album « Retrieval » a fait l’unanimité et ses titres joués live sont autant de témoignages de sa solidité.

On est donc tous métaphoriquement sur un petit nuage quand la réalité se rappelle à nous. On n’est pas sur un nuage. On est sur des marches en granit. Et le nuage, il est au dessus de nos têtes et il est pas petit. Il est énorme et bien chargé.  L’attaque commence par quelques gouttes de sommation, puis c’est l’agression. L’équipe des Volcano Sessions envahit la scène pour se saisir des tonnelles poussées sur les côtés au cours de l’après-midi et opère une manœuvre digne d’une armée romaine en formation tortue. Le groupe n’a même pas à bouger, le bouclier salvateur est placé directement au-dessus de leurs têtes.

 

 

Publié par @f00free
Voir dans Threads

 

Côté public, on tente d’avoir l’air braves, mais c’est une épreuve d’endurance qui commence. La douche est intense et coule sans discontinuer. Elle traverse rapidement les vêtements et les plus faibles fuient progressivement la zone. Après un quart d’heure, on tient le noyau dur suffisamment équipé ou déterminé pour résister à l’assaut des cieux. Parce que si les conditions sont éprouvantes, le spectacle sur scène est délicieux. Alors que le concert devait toucher à sa fin, Brenden nous jette un regard admiratif et nous annonce que notre ténacité sera récompensée d’une chanson supplémentaire. Notre corps implore alors la merci que notre esprit ne saurait accorder, parce que le show est décidément bien trop bon pour qu’on n’en concèderait ne serait-ce qu’une seconde.

Sur le chemin du parking, les festivaliers s’échangent de regards entendus, de ceux qui savent qu’ils ont traversé l’enfer pour gouter aux fruits les plus rares, et qu’une fois revenus à la vie civile personne ne les comprendra. Ce festival est décidément exceptionnel.

 

Volcano Sessions Vol. 9 – Vendredi 16 août 2024